amis.
-- Vivat! s'ecria Porthos, on nous envoie du renfort, n'est-ce
pas, Aramis?
-- C'est probable.
-- A moins que les Anglais n'arrivent.
-- Par la Loire? Ce serait avoir du malheur, Porthos; ils auraient
donc passe par Paris?
-- Vous avez raison, ce sont des renforts, decidement, ou des
vivres.
Aramis appuya sa tete dans ses mains et ne repondit pas.
Puis, tout a coup:
-- Porthos, dit-il, faites sonner l'alarme.
-- L'alarme?... y pensez-vous?
-- Oui, et que les canonniers montent a leurs batteries; que les
servants soient a leurs pieces; qu'on veille surtout aux batteries
de cote.
Porthos ouvrit de grands yeux. Il regarda attentivement son ami,
comme pour se convaincre qu'il etait dans son bon sens.
-- Je vais y aller, mon bon Porthos, continua Aramis de sa voix la
plus douce; je vais faire executer ces ordres, si vous n'y allez
pas, mon cher ami.
-- Mais j'y vais a l'instant meme! dit Porthos, qui alla faire
executer l'ordre, tout en jetant des regards en arriere pour voir
si l'eveque de Vannes ne se trompait point, et si, revenant a des
idees plus saines, il ne le rappellerait pas.
L'alarme fut sonnee; les clairons, les tambours retentirent, la
grosse cloche du beffroi s'ebranla.
Aussitot les digues, les moles se remplirent de curieux, de
soldats; les meches brillerent entre les mains des artilleurs,
places derriere les gros canons couches sur leurs affuts de
pierre. Quand chacun fut a son poste, quand les preparatifs de
defense furent faits:
-- Permettez-moi, Aramis, de chercher a comprendre, murmura
timidement Porthos a l'oreille de l'eveque.
-- Allez, mon cher, vous ne comprendrez que trop tot, murmura
d'Herblay a cette question de son lieutenant.
-- La flotte qui vient la-bas, la flotte qui, voiles deployees, a
le cap sur le port de Belle-Ile, est une flotte royale, n'est-il
pas vrai? Mais, puisqu'il y a deux rois en France, Porthos, auquel
des deux rois cette flotte appartient-elle?
-- Oh! vous m'ouvrez les yeux, repartit le geant, arrete par cet
argument.
Et Porthos, auquel cette reponse de son ami venait d'ouvrir les
yeux, ou plutot d'epaissir le bandeau qui lui couvrait la vue, se
rendit au plus vite dans les batteries pour surveiller son monde
et exhorter chacun a faire son devoir.
Cependant Aramis, l'oeil toujours fixe a l'horizon, voyait les
navires s'approcher. La foule et les soldats, montes sur toutes
les sommites et les anfractuosites des rochers,
|