son. Ils vous verront, messieurs; ils verront
les forces dont nous disposons; ils sauront, par consequent, a
quoi s'en tenir sur le sort qui les attend en cas de rebellion.
Nous leur affirmerons sur l'honneur que M. Fouquet est prisonnier,
et que toute resistance ne lui saurait etre que prejudiciable.
Nous leur dirons que, le premier coup de canon tire, il n'y a
aucune misericorde a attendre du roi. Alors, je l'espere du moins,
ils ne resisteront plus. Ils se livreront sans combat, et nous
aurons a l'amiable une place qui pourrait bien nous couter cher a
conquerir.
L'officier qui avait suivi d'Artagnan a Belle-Ile s'appretait a
parler, mais d'Artagnan l'interrompit.
-- Oui, je sais ce que vous allez me dire, monsieur; je sais qu'il
y a ordre du roi d'empecher toute communication secrete avec les
defenseurs de Belle-Ile, et voila justement pourquoi j'offre de ne
communiquer qu'en presence de tout mon etat-major.
Et d'Artagnan fit a ses officiers un signe de tete qui avait pour
but de faire valoir cette condescendance.
Les officiers se regarderent comme pour lire leur opinion dans les
yeux des uns des autres, avec intention de faire evidemment, apres
qu'ils se seraient mis d'accord, selon le desir de d'Artagnan. Et
deja celui-ci voyait avec joie que le resultat de leur
consentement serait l'envoi d'une barque a Porthos et a Aramis,
lorsque l'officier du roi tira de sa poitrine un pli cachete qu'il
remit a d'Artagnan.
Ce pli portait sur sa suscription le n deg. 1.
-- Qu'est-ce encore? murmura le capitaine surpris.
-- Lisez, monsieur, dit l'officier avec une courtoisie qui n'etait
pas exempte de tristesse.
D'Artagnan, plein de defiance, deplia le papier et lut:
"Defense a M. d'Artagnan d'assembler quelque conseil que ce soit,
ou de deliberer d'aucune facon avant que Belle-Ile soit rendue, et
que les prisonniers soient passes par les armes.
_Signe_: Louis."
D'Artagnan reprima le mouvement d'impatience qui courait par tout
son corps; et avec un gracieux sourire.
-- C'est bien, monsieur, dit-il, on se conformera aux ordres du
roi.
Chapitre CCL -- Suite des idees du roi et des idees de
M. d'Artagnan
Le coup etait direct, il etait rude, mortel. D'Artagnan furieux
d'avoir ete prevenu par une idee du roi, ne desespera cependant
pas, et, songeant a cette idee que lui aussi avait rapportee de
Belle-Ile, il en augura un nouveau moyen de salut pour ses amis.
-- Messieurs, dit-il subitement, pui
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