s secretaires
l'auront close, je ne veux plus que l'on parle affaires de quinze
jours en France.
-- Le roi n'a rien a me dire au sujet de cette assemblee des
Etats?
-- Non, monsieur Fouquet.
-- A moi, surintendant des finances?
-- Reposez-vous, je vous prie; voila tout ce que j'ai a vous dire.
Fouquet se mordit les levres et baissa la tete. Il couvait
evidemment quelque pensee inquiete.
Cette inquietude gagna le roi.
-- Est-ce que vous etes fache d'avoir a vous reposer, monsieur
Fouquet? dit-il.
-- Oui, Sire, je ne suis pas habitue au repos.
-- Mais vous etes malade; il faut vous soigner.
-- Votre Majeste me parlait d'un discours a prononcer demain?
Le roi ne repondit pas; cette question brusque venait de
l'embarrasser.
Fouquet sentit le poids de cette hesitation. Il crut lire dans les
yeux du jeune prince un danger qui precipiterait sa defiance.
"Si je parais avoir peur, pensa-t-il, je suis perdu."
Le roi, de son cote, n'etait inquiet que de cette defiance de
Fouquet.
-- A-t-il evente quelque chose? murmurait-il.
"Si son premier mot est dur, pensa encore Fouquet, s'il s'irrite
ou feint de s'irriter pour prendre un pretexte, comment me
tirerai-je de la? Adoucissons la pente. Gourville avait raison"
-- Sire, dit-il tout a coup, puisque la bonte du roi veille a ma
sante a ce point qu'elle me dispense de tout travail, est-ce que
je ne serai pas libre du conseil pour demain? J'emploierais ce
jour a garder le lit, et je demanderais au roi de me ceder son
medecin pour essayer un remede contre ces maudites fievres.
-- Soit fait comme vous desirez, monsieur Fouquet. Vous aurez le
conge pour demain, vous aurez le medecin, vous aurez la sante.
-- Merci, dit Fouquet en s'inclinant.
Puis, prenant son parti:
-- Est-ce que je n'aurai pas, dit-il, le bonheur de mener le roi a
Belle-Ile, chez moi?
Et il regardait Louis en face pour juger de l'effet d'une pareille
proposition.
Le roi rougit encore.
-- Vous savez, repliqua-t-il en essayant de sourire, que vous
venez de dire: _A Belle-Ile, chez moi?_
-- C'est vrai, Sire.
-- Eh bien! ne vous souvient-il plus, continua le roi du meme ton
enjoue, que vous me donnates Belle-Ile?
-- C'est encore vrai, Sire. Seulement, comme vous ne l'avez pas
prise, vous en viendrez prendre possession.
-- Je le veux bien.
-- C'etait, d'ailleurs, l'intention de Votre Majeste autant que la
mienne, et je ne saurais dire a Votre Majeste combien
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