legere si quelque chose a captive son esprit. D'Artagnan,
toujours courant, toujours revant, descendit a Paris, frais et
tendre de muscles, comme l'athlete qui s'est prepare pour le
gymnase.
Le roi ne l'attendait pas si tot et venait de partir pour chasser
du cote de Meudon. D'Artagnan, au lieu de courir apres le roi
comme il eut fait au temps jadis, se debotta, se mit au bain et
attendit que Sa Majeste fut revenue bien poudreuse et bien lasse.
Il occupa les cinq heures d'intervalle a prendre, comme on dit,
l'air de la maison, et a se cuirasser contre toutes les mauvaises
chances.
Il apprit que le roi, depuis quinze jours, etait sombre; que la
reine mere etait malade et fort accablee; que Monsieur, frere du
roi, tournait a la devotion; que Madame avait des vapeurs, et que
M. de Guiche etait parti pour une de ses terres.
Il apprit que M. Colbert etait rayonnant que M. Fouquet consultait
tous les jours un nouveau medecin, qui ne le guerissait point, et
que sa principale maladie n'etait pas de celles que les medecins
guerissent, sinon les medecins politiques.
Le roi, dit-on a d'Artagnan, faisait a M. Fouquet la plus tendre
mine, et ne le quittait plus d'une semelle; mais le surintendant,
touche au coeur comme ces beaux arbres qu'un ver a piques,
deperissait malgre le sourire royal, ce soleil des arbres de cour.
D'Artagnan apprit que Mlle de La Valliere etait devenue
indispensable au roi; que le prince, durant ses chasses, s'il ne
l'emmenait point, lui ecrivait plusieurs fois, non plus des vers,
mais, ce qui etait bien pis, de la prose, et par pages.
Aussi voyait-on le _premier roi du monde_, comme disait la pleiade
poetique d'alors, descendre de cheval _d'une ardeur sans seconde_,
et, sur la forme de son chapeau, crayonner des phrases en phebus,
que M. de Saint-Aignan, aide de camp a perpetuite, portait a La
Valliere, au risque de crever ses chevaux.
Pendant ce temps les daims et les faisans prenaient leurs ebats,
chasses si mollement, que, disait-on, l'art de la venerie courait
risque de degenerer a la Cour de France.
D'Artagnan alors pensa aux recommandations du pauvre Raoul, a
cette lettre de desespoir destinee a une femme qui passait sa vie
a esperer, et, comme d'Artagnan aimait a philosopher, il resolut
de profiter de l'absence du roi pour entretenir un moment Mlle de
La Valliere.
C'etait chose aisee: Louise, pendant la chasse royale, se
promenait avec quelques dames dans une galerie du Palais-Ro
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