u d'une resolution
devant laquelle tout devait ceder.
Quant a Athos, il connaissait cette ame tendre et inflexible; il
ne comptait pas la faire devier du fatal chemin qu'elle venait de
se choisir. Il serra la main que lui tendait le duc.
-- Comte, je pars dans deux jours pour Toulon, fit M. de Beaufort.
Me viendrez-vous retrouver a Paris pour que je sache votre
resolution?
-- J'aurai l'honneur d'aller vous y remercier de toutes vos
bontes, mon prince, repliqua le comte.
-- Et amenez-moi toujours le vicomte, qu'il me suive ou ne me
suive pas, ajouta le duc; il a ma parole, et je ne lui demande que
la votre.
Ayant ainsi jete un peu de baume sur la blessure de ce coeur
paternel, le duc tira l'oreille au vieux Grimaud qui clignait des
yeux plus qu'il n'est naturel, et il rejoignit son escorte dans le
parterre.
Les chevaux, reposes et frais par cette belle nuit mirent l'espace
entre le chateau et leur maitre. Athos et Bragelonne se
retrouverent seuls face a face.
Onze heures sonnaient.
Le pere et le fils garderent l'un vis-a-vis de l'autre un silence
que tout observateur intelligent eut devine plein de cris et de
sanglots.
Mais ces deux hommes etaient trempes de telle sorte, que toute
emotion s'enfoncait, perdue a jamais, quand ils avaient resolu de
la comprimer dans leur coeur.
Ils passerent donc silencieux et presque haletants l'heure qui
precede minuit. L'horloge, en sonnant, leur indiqua seule combien
de minutes avait dure ce voyage douloureux fait par leurs ames,
dans l'immensite des souvenirs du passe et des craintes de
l'avenir.
Athos se leva le premier en disant:
-- Il est tard... A demain, Raoul!
Raoul se leva a son tour et vint embrasser son pere.
Celui-ci le retint sur sa poitrine, et lui dit d'une voix alteree:
-- Dans deux jours, vous m'aurez donc quitte, quitte a jamais,
Raoul?
-- Monsieur, repliqua le jeune homme, j'avais fait un projet,
celui de me percer le coeur avec mon epee, mais vous m'eussiez
trouve lache; j'ai renonce a ce projet, et puis il fallait nous
quitter.
-- Vous me quittez en partant, Raoul.
-- Ecoutez-moi encore, monsieur, je vous en supplie. Si je ne pars
pas, je mourrai ici de douleur et d'amour. Je sais combien j'ai
encore de temps a vivre ici. Renvoyez-moi vite, monsieur, ou vous
me verrez lachement expirer sous vos yeux, dans votre maison;
c'est plus fort que ma volonte, c'est plus fort que mes forces;
vous voyez bien que, depuis un mois, j'
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