abitude sur les sacs et les
barils. Non. Un garcon, la plume a l'oreille, un autre, le carnet
a la main, inscrivaient force chiffres, tandis qu'un troisieme
comptait et pesait.
Il s'agissait d'un inventaire. Athos, qui n'etait pas commercant,
se sentit un peu embarrasse par les obstacles materiels et la
majeste de ceux qui instrumentaient ainsi.
Il voyait renvoyer plusieurs pratiques et se demandait si lui, qui
ne venait rien acheter, ne serait pas a plus forte raison
importun.
Aussi demanda-t-il fort poliment aux garcons comment on pourrait
parler a M. Planchet.
La reponse, assez negligente, fut que M. Planchet achevait ses
malles.
Ces mots firent dresser l'oreille a Athos.
-- Comment, ses malles? dit-il; M. Planchet part-il?
-- Oui, monsieur, sur l'heure.
-- Alors, messieurs, veuillez le faire prevenir que M. le comte de
La Fere desire lui parler un moment.
Au nom du comte de La Fere, un des garcons, accoutume sans doute a
n'entendre prononcer ce nom qu'avec respect, se detacha pour aller
prevenir Planchet.
Ce fut le moment ou Raoul, libre enfin, apres sa cruelle scene
avec Montalais, arrivait chez l'epicier.
Planchet, sur le rapport de son garcon, quitta sa besogne et
accourut.
-- Ah! monsieur le comte, dit-il, que de joie! et quelle etoile
vous amene?
-- Mon cher Planchet, dit Athos en serrant les mains de son fils,
dont il remarquait a la derobee l'air attriste, nous venons savoir
de vous... Mais dans quel embarras je vous trouve! vous etes blanc
comme un meunier, ou vous etes-vous fourre?
-- Ah! diable! prenez garde, monsieur, et ne m'approchez pas que
je ne me sois bien secoue.
-- Pourquoi donc? farine ou poudre ne font que blanchir?
-- Non pas, non pas! ce que vous voyez la, sur mes bras, c'est de
l'arsenic.
-- De l'arsenic?
-- Oui. Je fais mes provisions pour les rats.
-- Oh! dans un etablissement comme celui-ci, les rats jouent un
grand role.
-- Ce n'est pas de cet etablissement que je m'occupe, monsieur le
comte: les rats m'y ont plus mange qu'ils ne me mangeront.
-- Que voulez-vous dire?
-- Mais, vous avez pu le voir, monsieur le comte, on fait mon
inventaire.
-- Vous quittez le commerce?
-- Eh! mon Dieu, oui; je cede mon fonds a un de mes garcons.
-- Bah! vous etes donc assez riche?
-- Monsieur, j'ai pris la ville en degout; je ne sais si c'est
parce que je vieillis, et que, comme le disait un jour
M. d'Artagnan, quand on vieillit, on pense p
|