guerre aura eclate entre la France et l'Espagne, au sujet de ce
fils de Louis XIII, qui est un infant aussi, et que la France
detient inhumainement. Or, comme Louis XIV ne voudra pas d'une
guerre faite pour ce motif, je vous garantis une transaction dont
le resultat donnera la grandesse a Porthos et a moi, et un duche
en France a vous, qui etes deja grand d'Espagne. Voulez-vous?
-- Non; moi, j'aime mieux avoir quelque chose a reprocher au roi;
c'est un orgueil naturel a ma race que de pretendre a la
superiorite sur les races royales. Faisant ce que vous me
proposez, je deviendrais l'oblige du roi; j'y gagnerais
certainement sur cette terre, j'y perdrais dans ma conscience.
Merci.
-- Alors, donnez-moi deux choses, Athos: votre absolution...
-- Oh! je vous la donne, si vous avez reellement voulu venger le
faible et l'opprime contre l'oppresseur.
-- Cela me suffit, repondit Aramis avec une rougeur qui s'effaca
dans la nuit. Et maintenant donnez-moi vos deux meilleurs chevaux
pour gagner la seconde poste, attendu que l'on m'en a refuse sous
pretexte d'un voyage que M. de Beaufort fait dans ces parages.
-- Vous aurez mes deux meilleurs chevaux, Aramis, et je vous
recommande Porthos.
-- Oh! soyez sans crainte. Un mot encore: trouvez-vous que je
manoeuvre pour lui comme il convient?
-- Le mal etant fait, oui; car le roi ne lui pardonnerait pas, et
puis vous avez toujours, quoi qu'il en dise, un appui dans
M. Fouquet, lequel ne vous abandonnera pas, etant, lui aussi, fort
compromis, malgre son trait heroique.
-- Vous avez raison. Voila pourquoi, au lieu de gagner tout de
suite la mer, ce qui declarerait ma peur et m'avouerait coupable,
voila pourquoi je reste sur le sol francais. Mais Belle-Ile sera
pour moi le sol que je voudrai: anglais, espagnol ou romain; le
tout consiste pour moi dans le pavillon que j'arborerai.
-- Comment cela?
-- C'est moi qui ai fortifie Belle-Ile, et nul ne prendra Belle-
Ile, moi la defendant. Et puis, comme vous l'avez dit tout a
l'heure, M. Fouquet est la. On n'attaquera pas Belle-Ile sans la
signature de M. Fouquet.
-- C'est juste. Neanmoins, soyez prudent. Le roi est ruse et il
est fort.
Aramis sourit.
-- Je vous recommande Porthos, repeta le comte avec une sorte de
froide insistance.
-- Ce que je deviendrai, comte, repliqua Aramis avec le meme ton,
notre frere Porthos le deviendra.
Athos s'inclina en serrant la main d'Aramis, et alla embrasser
Porthos avec
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