effusion.
-- J'etais ne heureux n'est-ce pas? murmura celui-ci, transporte,
en s'enveloppant de son manteau.
-- Venez, tres cher, dit Aramis.
Raoul etait alle devant pour donner des ordres et faire seller les
deux chevaux.
Deja le groupe s'etait divise. Athos voyait ses deux amis sur le
point de partir; quelque chose comme un brouillard passa devant
ses yeux et pesa sur son coeur.
"C'est etrange! pensa-t-il. D'ou vient cette envie que j'ai
d'embrasser Porthos encore une fois?"
Justement Porthos s'etait retourne, et il venait a son vieil ami
les bras ouverts.
Cette derniere etreinte fut tendre comme dans la jeunesse, comme
dans les temps ou le coeur etait chaud, la vie heureuse.
Et puis Porthos monta sur son cheval. Aramis revint aussi pour
entourer de ses bras le cou d'Athos.
Ce dernier les vit sur le grand chemin s'allonger dans l'ombre
avec leurs manteaux blancs. Pareils a deux fantomes, ils
grandissaient en s'eloignant de terre, et ce n'est pas dans la
brume, dans la pente du sol qu'ils se perdirent: a bout de
perspective, tous deux semblerent avoir donne du pied un elan qui
les faisait disparaitre evapores dans les nuages.
Alors Athos, le coeur serre, retourna vers la maison en disant a
Bragelonne:
-- Raoul, je ne sais quoi vient de me dire que j'avais vu ces deux
hommes pour la derniere fois.
-- Il ne m'etonne pas, monsieur, que vous ayez cette pensee,
repondit le jeune homme, car je l'ai en ce moment meme, et moi
aussi, je pense que je ne verrai plus jamais MM. du Vallon et
d'Herblay.
-- Oh! vous, reprit le comte, vous me parlez en homme attriste par
une autre cause, vous voyez tout en noir; mais vous etes jeune; et
s'il vous arrive de ne plus voir ces vieux amis, c'est qu'ils ne
seront plus du monde ou vous avez bien des annees a passer. Mais,
moi...
Raoul secoua doucement la tete, et s'appuya sur l'epaule du comte,
sans que ni l'un ni l'autre trouvat un mot de plus en son coeur,
plein a deborder.
Tout a coup, un bruit de chevaux et de voix, a l'extremite de la
route de Blois, attira leur attention de ce cote.
Des porte-flambeaux a cheval secouaient joyeusement leurs torches
sur les arbres de la route, et se retournaient de temps en temps
pour ne pas distancer les cavaliers qui les suivaient.
Ces flammes, ce bruit, cette poussiere d'une douzaine de chevaux
richement caparaconnes, firent un contraste etrange au milieu de
la nuit avec la disparition sourde et funebre des
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