aint-Aignan revint, apportant des nouvelles satisfaisantes
de la reine, qui gardait le lit seulement par precaution, et pour
avoir la force de suivre toutes les volontes du roi.
Tandis que l'on cherchait partout M. Fouquet et Aramis, le nouveau
roi continuait paisiblement ses epreuves, et tout le monde,
famille, officiers, valets, reconnaissait le roi a son geste, a sa
voix, a ses habitudes.
De son cote, Philippe, appliquant sur tous les visages la note et
le dessin fideles fournis par son complice Aramis, se conduisait
de facon a ne pas meme soulever un soupcon dans l'esprit de ceux
qui l'entouraient.
Rien desormais ne pouvait inquieter l'usurpateur. Avec quelle
etrange facilite la Providence ne venait-elle pas de renverser la
plus haute fortune du monde, pour y substituer la plus humble!
Philippe admirait cette bonte de Dieu a son egard, et la secondait
avec toutes les ressources de son admirable nature. Mais il
sentait parfois comme une ombre se glisser sur les rayons de sa
nouvelle gloire. Aramis ne paraissait pas.
La conversation avait langui dans la famille royale; Philippe,
preoccupe, oubliait de congedier son frere et Madame Henriette.
Ceux-ci s'etonnaient et perdaient peu a peu patience. Anne
d'Autriche se pencha vers son fils et lui adressa quelques mots en
espagnol.
Philippe ignorait completement cette langue; il palit devant cet
obstacle inattendu. Mais, comme si l'esprit de l'imperturbable
Aramis l'eut couvert de son infaillibilite, au lieu de se
deconcerter, Philippe se leva.
-- Eh bien! quoi? Repondez, dit Anne d'Autriche.
-- Quel est tout ce bruit? demanda Philippe en se tournant vers la
porte de l'escalier derobe.
Et l'on entendait une voix qui criait:
-- Par ici, par ici! Encore quelques degres, Sire!
-- La voix de M. Fouquet? dit d'Artagnan place pres de la reine
mere.
-- M. d'Herblay ne saurait etre loin, ajouta Philippe. Mais il vit
ce qu'il etait bien loin de s'attendre a voir si pres de lui.
Tous les yeux s'etaient tournes vers la porte par laquelle allait
entrer M. Fouquet; mais ce ne fut pas lui qui entra.
Un cri terrible partit de tous les coins de la chambre, cri
douloureux pousse par le roi et les assistants.
Il n'est pas donne aux hommes, meme a ceux dont la destinee
renferme le plus d'elements etranges et d'accidents merveilleux,
de contempler un spectacle pareil a celui qu'offrait la chambre
royale en ce moment.
Les volets, a demi clos, ne laissaient
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