ur ainsi dire, se livrer en mes mains.
M. d'Herblay me laissait le bonheur de sauver mon roi et mon pays.
Je ne pouvais condamner M. d'Herblay a la mort. Je ne pouvais non
plus l'exposer au courroux tres legitime de Votre Majeste. C'eut
ete la meme chose que de le tuer moi-meme.
-- Eh bien! qu'avez-vous fait?
-- Sire, j'ai donne a M. d'Herblay mes meilleurs chevaux, et ils
ont quatre heures d'avance sur tous ceux que Votre Majeste pourra
envoyer apres lui.
-- Soit! murmura le roi; mais le monde est assez grand pour que
mes coureurs gagnent sur vos chevaux les quatre heures de gain que
vous avez donnees a M. d'Herblay.
-- En lui donnant ces quatre heures, Sire, je savais lui donner la
vie. Il aura la vie.
-- Comment cela?
-- Apres avoir bien couru, toujours en avant de quatre heures sur
vos mousquetaires, il arrivera dans mon chateau de Belle-Ile, ou
je lui ai donne asile.
-- Soit! mais vous oubliez que vous m'avez donne Belle-Ile.
-- Pas pour faire arreter mes amis.
-- Vous me le reprenez, alors?
-- Pour cela oui, Sire.
-- Mes mousquetaires le reprendront, et tout sera dit.
-- Ni vos mousquetaires ni meme votre armee, Sire dit froidement
Fouquet. Belle-Ile est imprenable.
Le roi devint livide, un eclair jaillit de ses yeux. Fouquet se
sentit perdu; mais il n'etait pas de ceux qui reculent devant la
voix de l'honneur. Il soutint le regard envenime du roi. Celui-ci
devora sa rage, et, apres un silence:
-- Allons-nous a Vaux? dit-il.
-- Je suis aux ordres de Votre Majeste, repliqua Fouquet en
s'inclinant profondement; mais je crois que Votre Majeste ne peut
se dispenser de changer d'habits avant de paraitre devant sa cour.
-- Nous passerons par le Louvre, dit le roi. Allons.
Et ils sortirent devant Baisemeaux effare, qui, une fois encore,
regarda sortir Marchiali, et s'arracha le peu de cheveux qui lui
restaient.
Il est vrai que Fouquet lui donna decharge du prisonnier et que le
roi ecrivit au-dessous: _Vu et approuve: Louis_; folie que
Baisemeaux, incapable d'assembler deux idees, accueillit par un
heroique coup de poing qu'il se bourra dans les machoires.
Chapitre CCXXX -- Le faux roi
Cependant, a Vaux, la royaute usurpatrice continuait bravement son
role.
Philippe donna ordre qu'on introduisit pour son petit lever les
grandes entrees, deja pretes a paraitre devant le roi. Il se
decida a donner cet ordre, malgre l'absence de M. d'Herblay, qui
ne revenait pas, et nos
|