rage de tant d'autres. Elle est allee rejoindre, dans les limbes
litteraires, les poemes persiques de Simonide de Ceos, de Choerilus de
Samos [143]. De longue main, Eschyle, dans ses Perses, y a pourvu: c'est
lui qui a fait la, une fois pour toutes, l'epopee de Salamine.
[Note 143: Ce Choerilus de Samos disait, au debut de son poeme sur les
guerres persiques, se plaignant des lors de venir trop tard:
O fortunatus quicumque erat illo tempore peritus caotare Musarum
famulus, cum intousum erat adhuc pratum!
Ce contemporain de la guerre du Peloponnese pensait deja comme La
Bruyere a la premiere ligne de ses Caracteres; il sentait tout le poids
d'un grand siecle, de plusieurs grands siecles, comme Fontanes. Il y a
longtemps que la roue tourne et que le cercle toujours recommence.]
Properce, s'adressant en son temps au poete Ponticus, qui faisait une
Thebaide et visait au laurier d'Homere, lui disait (liv. I, eleg. vii):
Cum tibi Cadmeae dicuntur, Pontice, Thebae
Armaque fraternae tristia militiae
Atque, ita sim felix, primo contendis Homero,
Sint modo fata tuis mollia carminibus....;
ce que je traduis ainsi: "O Ponticus! qui seras, j'en reponds, un autre
Homere, _pour peu que les destins te laissent achever tes grands vers!_"
Et Properce oppose, non sans malice, ses modestes elegies qui prennent
les devants pour plus de surete, et gagnent les coeurs.
Par bonheur, ici, Fontanes est a la fois le Properce et le Ponticus.
Bien qu'on n'ait pas retrouve les quatre livres d'odes dont il parlait
a un ami un an avant sa mort, il en a laisse une suffisante quantite de
belles, de severes, et surtout de charmantes. Il peut se consoler par
ses petits vers, comme Properce, de l'epopee qu'il n'a pas plus
achevee que Ponticus. Quatre ou cinq des sonnets de Petrarque me font
parfaitement oublier s'il a termine ou non son _Afrique_.
Un jour donc que, sur sa terrasse de Courbevoie, Fontanes avait tente
vainement de se remettre au grand poeme, il se rabat a la muse d'Horace;
et, comme il n'est pas plus heureux cette seconde fois que la premiere,
il se plaint doucement a un pecheur qu'il voit revenir de sa poche, les
mains vides aussi:
Pecheur, qui des flots de la Seine
Vers Neuilly remontes le cours,
A ta poursuite toujours vaine
Les poissons echappent toujours.
Tu maudis l'espoir infidele
Qui sur le fleuve t'a conduit,
Et l'infatigable nacelle
Qui t'y promene jour et nuit.
Des deux pecheurs
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