brusquerie de caractere,
le contraire du compasse, comme encore il avait de l'epicurien tout a
cote de son respect religieux et de son affection chretienne; il etait
plein de ces contrastes, le tout formant quelque chose de naif et de
bien sincere.
En composant il n'ecrivait jamais; il attendait que l'oeuvre poetique
fut achevee et parachevee dans sa tete, et encore il la retenait ainsi
en perfection sans la confier au papier. Ses brouillons, quand il s'y
decidait, restaient informes, et ce qu'on a de manuscrits n'est le plus
souvent qu'une dictee faite par lui a des amis, et sur leur instante
priere; plusieurs de ses ouvrages n'ont jamais ete ecrits de sa main.
Je ne connaissais Fontanes que d'apres les quelques vers d'ordinaire
reproduits, et je me rappelle encore mon impression etonnee lorsque
j'entendis, pour la premiere fois, ses odes inedites et d'eloquentes
tirades de _la Grece sauvee_, recitees de memoire, apres des annees, par
une bouche amie et admiratrice, comme par un rhapsode passionne. Cette
derniere tentative des epopees classiques elegantes et polies m'arrivait
oralement et toute vive, un peu comme s'il se fut agi, avant Pisistrate,
d'un antique chant d'Homere.
On s'explique pourtant ainsi comment il a du se perdre bien des portions
de _la Grece sauvee_. Et puis, dans son imagination volontiers riante et
prompte, Fontanes se figurait peut-etre en avoir acheve plus de chants
qu'il n'en tenait en effet. La maniere de travailler, dans l'ecole
classique, ressemblait assez, il faut le dire, a la toile de Penelope:
on defaisait, on refaisait sans cesse; on s'attardait, on s'oubliait aux
_variantes_, au lieu de pousser en avant. On a repare cela depuis: les
immenses poemes humanitaires gagnent aujourd'hui de vitesse les simples
odes d'autrefois. Quoique les idees sur l'epopee proprement dite et
reguliere aient fort muri dans ces derniers temps, et quoique le
resultat le plus net de tant de dissertations et d'etudes soit
apparemment qu'il n'en faut plus faire, on a fort a regretter que
Fontanes n'ait pas donne son dernier mot dans ce genre epique virgilien.
Les beautes males et chastes qui marquent son second chant sur Sparte
et Leonidas, les beautes mythologiques, mystiques et magnifiquement
religieuses du huitieme chant, sur l'initiation de Themistocle aux fetes
d'Eleusis, se seraient reproduites et variees en plus d'un endroit.
Mais, telle qu'elle est, cette epoque inachevee renouvelle le sort et
le nauf
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