mot a echappe a
Napoleon dans l'affaire du Sacre: "Il n'y a que vous ici qui ayez le
sens commun." Oserons-nous croire pourtant avec M. Artaud (tome II, page
391) que l'ode sur _l'Enlevement du Pape_ ait ete lue a l'Empereur? Il
ne faut exagerer dans aucun sens.]
Au milieu des affaires et de tant de soins, Fontanes pensait toujours
aux vers; la paresse chez lui, en partie reelle, etait aussi, en partie,
une reponse commode et un pretexte: il travaillait la-dessous. A
diverses reprises, avant ses grandeurs, il avait songe a recueillir et
a publier ses oeuvres eparses; il s'en etait occupe en 89, en 96, et de
nouveau en 1800. Les volumes meme ont ete vus alors tout imprimes entre
ses mains; mais un scrupule le saisit: il les retint, puis les fit
detruire. Si ce fut par pressentiment de sa fortune politique, bien lui
en prit. Il n'eut peut-etre jamais ete Grand-Maitre, s'il eut paru poete
autant qu'il l'etait. Son beau nom litteraire le servit mieux, sans trop
de pieces a l'appui.
Son poeme de _la Grece sauvee_, qu'il avait pousse si vivement durant
les annees de la proscription, ne lui tenait pas moins a coeur dans les
embarras de sa vie nouvelle. Force de renoncer a une gloire poetique
plus prochaine par des publications courantes, il se rejetait en
imagination vers la grande gloire, vers la haute palme des Virgile
et des Homere, et y fondait son recours. Il parlait sans cesse,
dans l'intimite, de ce poeme qu'il avait fait, presque fait,
disait-il;--qu'il faisait toujours! Il en hasardait parfois des
fragments a l'Institut. Il en expliquait a ses amis le plan, par malheur
trop peu fixe dans leur memoire. Une fois, apres avoir passe six
semaines presque sans interruption a Courbevoie, il ecrivit a une
personne amie d'y venir, si elle avait un moment: celle-ci accourut.
Fontanes lui lut un chant tout entier termine. Comme c'etait au matin
et qu'il n'etait ni coiffe ni poudre, sa tete parut plus depouillee de
cheveux, et on le lui dit: "Oh! repondit Fontanes, j'en ai encore perdu
depuis quinze jours; quand je travaille, _ma tete fume!_" Contraste a
relever entre ce feu poetique ardent et ce que de loin on s'est
figure de la veine pure et un peu froide de Fontanes!--Fontanes avait
l'imagination vive, ardente, _primesautiere_, sous son talent
poetique elegant, comme, sous son habilete d'orateur et sa dignite
de representation, il avait une inexperience d'enfant en beaucoup de
choses, une vraie bonhomie et candeur et mene
|