tence. Ma fille, vos projets sont louables,
excellents, et d'autant plus sages qu'ils sont necessaires; encore plus
necessaires que vous ne pensez. Nous aussi, ma chere Marcelle, nous
sommes ruines! et nous ne pourrons peut-etre rien laisser en heritage a
notre petit-fils bien-aime. Les dettes de mon malheureux fils surpassent
tout ce que vous en connaissez, tout ce qu'on pouvait prevoir.
Nous temporiserons avec les creanciers; mais nous acceptons la
responsabilite, et c'est en privant l'avenir d'Edouard de l'honorable
fortune a laquelle il devait aspirer apres notre deces. Elevez-le donc
avec simplicite. Apprenez-lui a se creer lui-meme des ressources par ses
talents et a maintenir son independance par la dignite avec laquelle il
saura supporter le malheur. Quand il sera en age d'homme nous ne serons
plus du monde. Qu'il respecte la memoire de vieux parents qui ont
prefere l'honneur d'un gentilhomme a ses plaisirs, et qui ne lui
auront laisse en heritage qu'un nom pur et sans reproche. Le fils d'un
banqueroutier n'aurait eu dans la vie que des jouissances condamnables;
le fils d'un pere coupable aura, du moins, quelque obligation a ceux qui
auront su mettre sa vie a l'abri du blame public.
"Demain je vous ecrirai des details, aujourd'hui je suis sous le coup de
la decouverte d'un nouvel abime. Je vous l'annonce en peu de mots. Je
sais que vous pouvez tout comprendre et tout supporter. Adieu, ma fille,
je vous admire et je vous aime."
[Illustration: Se jeta au milieu de la _bourree_ en criant malheur.]
--Edouard! dit Marcelle en couvrant de baisers son fils endormi, il
etait donc ecrit au ciel que tu aurais la gloire et peut-etre le
bonheur de ne pas succeder a la richesse et au rang de tes peres! Ainsi
perissent les grandes fortunes, ouvrage des siecles, en un seul jour!
Ainsi les anciens maitres du monde, entraines par la fatalite, plus
encore que par leurs passions, se chargent d'accomplir eux-memes les
decrets de la sagesse divine, qui travaille insensiblement a niveler les
forces de tous les hommes! Puisses-tu comprendre un jour, o mon enfant!
que cette loi providentielle t'est favorable, puisqu'elle te jette dans
le troupeau de brebis qui est a la droite du Christ, et te separe des
boucs qui sont a sa gauche. Mon Dieu, donnez-moi la force et la sagesse
necessaires pour faire de cet enfant un homme! Pour en faire un
patricien, je n'avais qu'a me croiser les bras et laisser agir la
richesse. A present j'ai beso
|