diculiser aupres de
ses autres filles et de ses autres parentes, toutes assez malicieuses et
insolentes, les jeunes comme les vieilles. Elle leur avait rapidement
confie, a chacune en particulier, que ce bel esprit de village se
flattait de plaire a sa fille, que Rose n'en savait rien et n'y faisait
nulle attention; que M. Bricolin, n'y voulant pas croire, le traitait
avec beaucoup trop de bonte; mais qu'elle possedait de bonne source un
fait curieux: a savoir, que _le beau farinier_, la coqueluche de toutes
les filles de mauvaise vie de la campagne, s'etait maintes fois vante de
plaire a la plus riche bourgeoise qu'il lui conviendrait de courtiser, a
celle-ci tout aussi bien qu'a celle-la.... Et la-dessus, madame Bricolin
nommait les personnes presentes, et riait d'une maniere acre et
meprisante en retroussant son tablier et mettant le poing sur sa hanche.
De la partie feminine de la famille, la confidence avait promptement
passe, de bouche en bouche et d'oreille en oreille, a tous les Bricolin
de l'autre sexe, si bien que Grand-Louis, qui ne songeait qu'a s'en
aller rejoindre Lemor, se vit bientot assailli d'epigrammes si plates
qu'elles etaient incomprehensibles, et accompagne, dans sa retraite, de
rires mal etouffes et de chuchotements de la derniere impertinence. Ne
concevant rien a la gaiete qu'il excitait, il etait sorti de la ferme
inquiet, soucieux, et plein de mepris pour le gros sel de messieurs les
bourgeois de campagne rassembles a Blanchemont ce soir-la.
D'apres la recommandation de madame Bricolin, on eut soin que M.
Bricolin ne s'apercut pas de la conspiration, et on se donna parole pour
persecuter le meunier le lendemain en presence de Rose. C'etait, disait
sa mere, une necessite d'humilier ce manant sous ses yeux, afin qu'elle
apprit a ne pas trop ecouter son bon coeur, et a tenir les paysans a
distance.
Apres le souper, on fit venir les menetriers et on dansa dans la cour
par anticipation du lendemain. C'etait dans un intervalle de repos que
le meunier, inquiet et presse de se rendre a la Chatre, avait assure que
la soiree de plaisir etait close au chateau neuf, et qu'il avait force
les deux amants a se separer beaucoup plus tot qu'ils ne l'eussent
souhaite.
Lorsque Marcelle revint a la ferme, on avait recommence a se divertir,
et, se sentant le meme besoin de solitude et de reverie qui avait
emporte Lemor dans les traines de la Vallee-Noire, elle retourna dans la
garenne et s'y promena lentem
|