rsonnes qui vous plaignent et ne vous veulent que du
bien, dit Marcelle.
--Non, il n'y en a pas, repondit la folle avec colere et en s'agitant
d'une maniere effrayante. Ils sont tous mes ennemis. Ils m'ont torturee,
ils m'ont enfonce un fer rouge dans la tete. Ils m'ont attachee aux
arbres avec des clous, ils m'ont jetee plus de deux mille fois du haut
des tours sur le pave. Ils m'ont traverse le coeur avec de grandes
aiguilles d'acier. Ils m'ont ecorchee vive; c'est pour cela que je ne
peux plus m'habiller sans souffrir des douleurs atroces. Ils voudraient
m'arracher les cheveux, parce que cela me defend un peu de leurs
coups.... Mais je me vengerai! J'ai redige une plainte! j'ai mis
cinquante-quatre ans a l'ecrire dans toutes les langues pour la faire
parvenir a tous les souverains de l'univers. Je veux qu'on me rende Paul
qu'ils ont cache dans leur cave et qu'ils font souffrir comme moi. Je
l'entends crier toutes les nuits quand on le torture.... Je connais sa
voix.... Tenez, tenez, l'entendez-vous? ajouta-t-elle d'un ton lugubre
en pretant l'oreille aux sons enjoues de la cornemuse. Vous voyez bien
qu'on lui fait souffrir mille morts! Ils veulent le devorer, mais ils
seront punis, punis! Demain je les ferai souffrir aussi, moi! Ils
souffriront tant que j'en aurai pitie moi-meme....
En parlant ainsi avec une volubilite delirante, l'infortunee s'elanca
a travers les buissons et se dirigea vers la ferme, sans qu'il fut
possible a Marcelle de suivre sa course rapide et ses bonds impetueux.
XXVI.
LA VEILLEE.
La danse etait plus obstinee que jamais a la ferme. Les domestiques
s'etaient mis de la partie, et une poussiere epaisse s'elevait sous
leurs pieds, circonstance qui n'a jamais empeche le paysan berrichon de
danser avec ivresse, non plus que les pierres, le soleil, la pluie ou la
fatigue des moissons et des fauchailles. Aucun peuple ne danse avec plus
de gravite et de passion en meme temps. A les voir avancer et reculer
a la bourree, si mollement et si regulierement que leurs quadrilles
serrees ressemblent au balancier d'une horloge, on ne devinerait guere
le plaisir que leur procure cet exercice monotone, et on soupconnerait
encore moins la difficulte de saisir ce rhythme elementaire que chaque
pas et chaque attitude du corps doivent marquer avec une precision
rigoureuse, tandis qu'une grande sobriete de mouvements et une langueur
apparente doivent, pour atteindre a la perfection, en dissimuler
entier
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