ait toute sa
personne, regardez-moi donc, vous qui parlez d'un homme beau garcon!"
Pour un peu, il eut raconte des histoires pour prouver que lui aussi
avait du coeur, que lui aussi etait chevaleresque. Surtout il eut voulu
faire l'addition de sa fortune. Et sa noblesse! N'etait-il pas prince?
Maintenant qu'il etait dans cet etat, il y avait avantage a lui montrer
qu'elles voyaient aussi des merites en lui, et de grands qui, s'ils ne
supprimaient pas ceux du duc de Naurouse, les egalaient au moins et
peut-etre les surpassaient.
Apres l'avoir fait souffrir par l'envie, il fallait l'exalter par
l'orgueil.
--Vous voyez, dit-elle, en quelle estime je tiens le duc de Naurouse et
quel cas nous faisons de lui, ma fille et moi. Mais, malgre tous les
merites que je suis disposee a lui reconnaitre, il n'en est pas moins
vrai que je ne sais pas ce qu'il est reellement. Ce n'est pas en
quelques jours qu'on peut apprecier un homme et son pays, qu'on n'a pas
vecu de sa vie et dans son le juger justement, alors surtout qu'on n'est
pas de monde. Si la demande dont je vous parlais m'est faite, il faut
que je puisse y repondre. Je ne peux pas plus l'accueillir a la legere
que la repousser. C'est chose grave que le mariage, la plus grave de la
vie, et lourde, bien lourde est ma responsabilite de mere, plus lourde
meme que ne le serait celle d'une autre mere. Je suis seule, je n'ai pas
de mari pour me guider et toute la responsabilite de la decision que je
vais avoir a prendre pese sur moi, elle m'ecrase. Songez a ce qu'est la
situation de deux femmes sans homme. Et nous ne sommes pas dans notre
pays, ou les amities que M. de Barizel avait su se creer me seraient
d'un si grand secours pour m'aider, pour m'eclairer, pour me guider! Si,
comme tout me le fait croire, M. le duc de Naurouse me demande bientot,
demain peut-etre, la main de ma fille, que dois-je lui repondre? D'un
cote, il me semble, par le peu que je sais de lui, surtout par ce que je
vois, que c'est un parti assez beau pour ne pas le dedaigner. Mais je
n'ai pas confiance en moi, je ne suis qu'une femme, c'est-a-dire que je
peux tres bien me laisser prendre a des dehors trompeurs. D'autre part,
je me dis que ce parti, qui me parait beau parce que je le juge en
femme, n'est peut-etre pas aussi beau qu'il en a l'air. De la mon
tourment, mes angoisses. Et voila pourquoi je m'adresse a vous et
vous dis: "Qu'est reellement le duc de Naurouse? Pour vous, qui le
connaissez, est-i
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