ris, monsieur le duc, dit-elle ceremonieusement,
de ne pas nous trouver lorsque vous avez bien voulu nous honorer de
votre visite? Je vous dois une explication a cet egard et je vais vous
la donner. Ma fille et moi, monsieur le duc, nous avons beaucoup de
sympathie pour vous et nous sommes l'une et l'autre tres heureuses de
l'agrement que vous paraissez trouver en notre compagnie, agrement qui
est partage d'ailleurs; mais ma fille est une jeune fille, et, qui plus
est, une jeune fille a marier. Tant que nos relations ont garde un
caractere de camaraderie mondaine, je n'ai pas eu a m'en preoccuper;
vous paraissiez eprouver un certain plaisir a nous rencontrer, nous en
ressentions un tres vif a nous trouver avec vous, c'etait parfait. Mais
en ces derniers temps on m'a fait des observations... tres serieuses, au
moins au point de vue des usages francais qui desormais doivent etre
les notres, sur... comment dirais-je bien... sur votre intimite avec ma
fille. Mes yeux alors se sont ouverts, mon devoir de mere a parle haut
et j'ai decide que, quoi qu'il nous en coutat, a ma fille et a moi, nous
devions rompre des relations qui plus tard pouvaient nuire a Corysandre,
et qui meme lui avaient peut-etre deja nui. C'est ce qui vous explique
pourquoi nous n'avons pas pu recevoir votre visite tantot. Sans doute
j'aurais pu la recevoir et vous donner alors les raisons que je vous
donne en ce moment, mais j'ai pense que vous comprendriez vous-meme le
sentiment qui me faisait agir. Vous avez voulu une franche explication,
la voila.
--Si j'ai insiste pour etre recu, ce n'a point ete dans l'intention de
provoquer cette explication que vous voulez bien me donner avec tant de
franchise. Il y a longtemps que j'aime mademoiselle Corysandre...
--Vous, monsieur le duc!
--En realite je l'aime du jour ou je l'ai vue pour la premiere fois.
Mais si vif, si grand que soit cet amour, je n'ai pas voulu ecouter ses
inspirations avant d'etre bien certain que je n'obeissais pas a des
illusions enthousiastes; aujourd'hui cette certitude s'est faite dans
mon esprit aussi bien que dans mon coeur et je viens vous demander de me
la donner pour femme.
Aucune emotion, ni trouble, ni joie, ni triomphe, ne se montra sur le
visage de madame de Barizel en entendant cette parole qu'elle avait
cependant si anxieusement attendue et si laborieusement amenee.
Elle resta assez longtemps sans repondre, comme si elle etait plongee
dans un profond embarras; a la
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