marchait a travers son
appartement, il passa plusieurs fois aupres de la table sur laquelle
il avait jete cette lettre: puis a un certain moment il la prit
machinalement entre ses doigts et il lui sembla que ce papier exhalait
le parfum de Corysandre.
Sans aucun doute c'etait la une hallucination: il pensait si fortement
a Corysandre, elle occupait si bien son coeur et son esprit, qu'il la
voyait partout.
Cependant il ne put s'empecher de flairer cette lettre, et aussitot une
commotion delicieuse courut dans ses nerfs et le secoua de la tete aux
pieds; c'etait bien le parfum de Corysandre, le meme au moins que celui
qu'il avait si souvent respire avec enivrement.
Vivement il dechira l'enveloppe et il lut:
"Allez a ma mere..."
Evidemment il n'avait que cela a faire, et telle etait la situation que
creait cette lettre, qu'il ne pouvait pas attendre davantage.
Pour que Corysandre ne se fut pas jusqu'a ce jour fachee de ses
hesitations et de son silence, il fallait qu'elle eut vraiment l'ame
indulgente, ou plutot il fallait qu'elle l'aimat assez pour n'etre
sensible qu'a son amour; mais maintenant, comment ne serait-elle pas
blessee d'un retard qui serait pour elle la plus cruelle des blessures
en meme temps que le plus injuste des outrages? comment s'imaginer que
plus tard elle pourrait s'en souvenir sans amertume?
Jamais il n'avait eprouve pareille anxiete, car, s'il avait de
puissantes raisons pour attendre, il en avait de plus puissantes encore
pour n'attendre pas.
Quoi qu'il decidat, il serait en faute: s'il se prononcait tout de
suite, envers son nom; s'il ne se prononcait pas, envers son amour.
Comme il agitait anxieusement ces pensees, sa porte s'ouvrit.
C'etait une depeche; qu'on lui apportait.
"Pouvez donner suite a votre projet, mais plus sage serait d'attendre
lettre partie depuis six jours."
Plus sage!
D'un bond il fut a son bureau.
"Madame la comtesse,
"J'ai l'honneur de vous demander une entrevue, je vous serais
reconnaissant de me l'accorder aujourd'hui meme, aussitot que possible.
"On attendra votre reponse.
"Daignez agreer l'expression de mon profond respect.
NAUROUSE."
Au bout de dix minutes on lui remit sous enveloppe une carte portant ces
simples mots: "Madame la comtesse de Barizel attend monsieur le duc de
Naurouse."
Lorsqu'il se presenta devant la comtesse, il croyait qu'il prendrait le
premier la parole; mais elle le devanca:
--Vous avez du etre surp
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