eaucoup de vous en ce
moment, et on m'a dit aussi que c'etait par amour que vous vouliez
epouser cette jeune fille, mais je ne l'ai pas cru.
--Vraiment!
--Qu'on me dise que vous faites un mariage de convenance avec une jeune
fille de votre rang, et cela pour continuer votre nom, pour avoir une
maison, je ne repondrai rien, ou presque rien, bien que le mariage soit
a mon sens la chose la plus folle du monde; mais un mariage d'amour,
vous, vous, Roger, jamais je ne l'admettrai. Qu'on puisse aimer sa femme
de coeur eternellement comme l'exige la loi du mariage, je veux bien
vous le conceder; c'est rare, cependant c'est possible. Mais a cote
des sentiments du coeur, il y en a d'autres, n'est-ce pas? Eh bien,
croyez-vous que ceux-la puissent etre eternels? Vous avez eu des
maitresses, et dans le nombre il y en a que vous avez aimees
passionnement, eh bien! est-ce qu'a un moment donne, tout en eprouvant
encore pour elles de la tendresse, vous n'avez pas ete desagreablement
surpris de vous apercevoir que sous d'autres rapports elles vous etaient
devenues absolument indifferentes, ne vous disant plus rien, a ce point
que vous vous demandiez avec stupefaction comment elles avaient pu
eveiller en vous un desir? Vous savez comme moi que cela est fatal et
que ceux-la meme qui sont les plus fortement maitres de leur volonte
n'echappent pas a cette loi humaine. Quand cela arrivera dans votre
mariage d'amour, car il faudra bien qu'un jour ou l'autre cela arrive,
et que vous resterez en presence d'une femme aigrie, d'autant plus
insupportable qu'elle aura de justes raisons pour se plaindre, vous vous
souviendrez de mes paroles; seulement il sera trop tard. Et notez qu'en
parlant ainsi je ne calomnie pas l'amour, car je reconnais volontiers
qu'on peut aimer une maitresse indefiniment, toujours, meme vieille, et
cela tout simplement parce qu'elle n'est pas liee a vous, parce que vous
ne lui appartenez pas; tandis qu'une femme qu'on a, ou plutot qui vous a
du matin au soir et du soir au matin, on ne peut pas ne pas s'en lasser,
et alors...
Mautravers etait reste dans la chambre, tandis que Roger etait entre
dans son cabinet de toilette, et c'etait de la chambre qu'il parlait.
Sur ces derniers mots, Roger sortit du cabinet une serviette a la main,
s'essuyant le cou et le visage.
--Mon cher ami, dit-il posement, tout en se frottant, ce n'est pas
d'aujourd'hui que vous me faites entendre des paroles du genre de
celles que vous venez
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