res que le theatre etait fini, si elles n'avaient rien de mieux a
faire; c'etait une maison qu'on avait la certitude de trouver toujours
ouverte, avec table servie, ce qui est commode.
Si Roger se reveillait, on allait lui faire une visite a tour de role,
courte pour ne pas le fatiguer, et l'on revenait bien vite prendre
sa place devant la nappe ou le tapis vert. Quand les portes
s'entrouvraient, de son lit il entendait le cliquetis de la vaisselle et
de l'argenterie, ou le tintement des louis; il s'informait des noms de
ceux ou celles qui etaient la, et il faisait appeler ceux ou celles
qu'il voulait voir, les renvoyant sans colere lorsqu'il les trouvait
impatients d'aller finir le morceau servi dans leur assiette ou la
partie commencee.
Seules ses matinees etaient solitaires, car c'etait le moment du sommeil
pour tous et pour toutes. Il est vrai que pour lui c'etait le moment des
tristes reflexions qui suivent ordinairement une nuit de fievre; mais
apres lui avoir donne la journee ou la soiree, il n'etait que juste de
prendre le matin pour dormir. Pour le soigner et l'egayer, devait-on se
rendre malade?
Un matin qu'il sommeillait a moitie, il entendit un bruit de pas sur le
tapis; mais il n'y prit pas attention, croyant que c'etait la garde
de jour qui venait relever la garde de nuit. Tout a coup un fracas de
verrerie lui fit brusquement tourner la tete pour voir qui venait de
renverser cette verrerie, et il apercut au milieu de la chambre, se
tenant sur la pointe des pieds sans oser avancer ou reculer, son ancien
professeur Crozat.
--Eh quoi! c'est vous, mon cher Crozat?
--Excusez-moi, je ne voulais pas faire de bruit?
--Et vous avez renverse le gueridon.
--Mon Dieu! oui, ca n'arrive qu'a moi, ces maladresses-la.
--Ce n'est rien; avancez et donnez-moi la main, que je vous dise combien
je suis content de vous voir.
--Vrai?
--En doutez-vous?
--Non, et c'est pour cela que je suis venu quand j'ai appris par Harly
que vous etiez malade, pour vous voir d'abord et puis pour me mettre
a votre disposition, vous faire la lecture, si cela peut vous etre
agreable, ecrire vos lettres.
--Merci, mon bon Crozat.
--Seulement je debute mal dans la chambre d'un malade.
D'un air piteux, il regarda les debris qui jonchaient le tapis.
--Ne vous inquietez donc pas de cela. Dites-moi plutot comment vous
allez. Parlez-moi du _Comte et de la Marquise_.
--Je viens de le transformer en opera-comique pour un
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