ocrisie! disait-il, voila des gens qui
savent que je les execre et qui cependant viennent tous les jours a ma
porte pour qu'on ne les accuse pas de me laisser mourir dans l'abandon;
si j'en avais la force je voudrais les recevoir un jour moi-meme pour
leur dire leur fait; ils doivent cependant etre bien convaincus qu'ils
n'auront rien de moi.
--Cela serait trop bete, dit Mautravers.
--Alors il n'y aurait plus de justice en ce monde, dit Raphaelle.
--L'avantage d'avoir des parents de ce genre, continua Mautravers, c'est
qu'on peut les desheriter sans remords.
--Je voudrais plus et mieux, dit Roger.
S'il ne pouvait pas plus et mieux que les desheriter, il pouvait au
moins leur faire peur, les tourmenter, les exasperer de facon a ce
qu'ils ne vinssent plus. Cette idee qui avait traverse son esprit devint
bientot chez lui une manie de malade et il voulut la mettre a execution,
ce qu'il fit un soir qu'il avait presque tous ses amis reunis autour de
lui:
--Savez-vous une idee qui m'est venue, dit-il, c'est de me marier.
Et comme on le regardait pour voir s'il ne delirait point.
--De me marier in extremis avec une jeune fille de bonne maison qui
aurait un enfant. Je legitimerais cet enfant par ce mariage et je lui
assurerais mon nom, mon titre et ma fortune.
--Elle est absurde votre idee, s'ecria Mautravers.
--Mais non, je sauverais mon nom et mon titre, ce qui n'est pas absurde,
il me semble. Montrevault, vous qui avez tant de relations et qui
connaissez tout le monde en France et a l'etranger, vous devriez me
chercher cette jeune fille.
--On peut la trouver.
--Vous lui direz que je ne serai pas un mari genant.
Il esperait bien que ces paroles seraient rapportees a M. de Condrieu;
mais il etait loin de prevoir ce qu'elles produiraient.
Quelques jours apres il vit entrer dans sa chambre; Bernard, qui avait
un air embarrasse:
--Ce sont deux religieuses, dit-il.
--Qu'on leur donne une offrande.
--Mais l'une de ces religieuses veut voir monsieur le duc.
--C'est impossible; il faut le lui expliquer poliment.
--Je l'ai fait; mais elle a insiste et elle a voulu que je vienne dire a
monsieur le duc que celle qui desirait le voir etait la soeur Angelique.
Soeur Angelique! Mais c'etait le nom en religion de Christine. Christine
chez lui; Christine qui voulait le voir. Etait-ce possible?
L'emotion fit trembler sa voix:
--Quel est le costume de cette religieuse? demanda-t-il. Une robe noir
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