te donc autant que la loi me le permet la famille de
Condrieu, qui a ete mon ennemie, et je laisse ma fortune a mademoiselle
Claire Harly, fille de mon ami Harly, a charge par elle de donner:
"1 deg. A mon ancien maitre, M. Crozat, qui m'a appris le peu que je sais,
deux cent mille francs;
"2 deg. Aux pauvres de Naurouse cent mille francs;
"3 deg. Aux pauvres de Varages cent mille francs;
"4 deg. A mes domestiques cent mille francs, sur lesquels Bernard, mon valet
de chambre, en prelevera quarante mille pour sa part.
"Francois-Roger de CHARLUS, duc de NAUROUSE."
--Voila un testament qui est nul, s'ecria M. de Condrieu; l'article
909 du code ne permet pas aux medecins de profiter des dispositions
testamentaires faites en leur faveur par un malade qu'ils ont soigne
pendant la maladie dont il meurt, et l'article declare que les enfants
de ces medecins sont personnes interposees et par consequent incapables
de recevoir.
Nougaret s'avanca:
--Monsieur le comte de Condrieu oublie, dit-il, que depuis quatre mois
le docteur Harly n'etait plus la medecin de M. de Naurouse.
--N'a-t-il pas ete le medecin de la derniere maladie?
--Il n'etait plus le medecin de M. de Naurouse quand ce testament a ete
fait; c'est ce que prouve la date, qui remonte a six semaines seulement.
--Ce n'est pas le lieu de decider cette question, dit Harly.
--Ce seront les tribunaux qui la decideront, dit M. de Condrieu.
FIN
NOTICE SUR LA "BOHEME TAPAGEUSE"
Malgre le secret professionnel, c'est de leurs observations personnelles
que les medecins se servent pour ecrire la plupart des livres qu'ils
publient chaque jour avec une abondance qui n'est egalee que par
celle des theologiens; si bien que pour peu que vous ayez un medecin
ecrivain,--et ils le sont tous,--vous etes expose a vous trouver un jour
ou l'autre dans un de leurs livres ou de leurs articles, tandis que
vos amis, percant des initiales transparentes, apprendront que vos
ascendants paternels etaient alcooliques, les maternels tuberculeux, que
vos enfants seront l'un ou l'autre, et que vous-meme vous n'en avez pas
pour longtemps.
C'est aussi avec leurs observations que les romanciers ecrivent leurs
livres, mais les romans sont les romans, et comme on doit toujours
y introduire une certaine dose d'imagination et de fantaisie, ils
s'eloignent forcement de la precision medicale. D'ailleurs le romancier
n'est pas lie par le secret professionnel. Ceux dont il
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