parle ne l'ont
pas paye pour qu'il se taise. Et par cela seul sa situation ne ressemble
en rien a celle du medecin.
Ce n'est pas a dire qu'elle ne soit pas quelquefois delicate, en cela
surtout que plus il est consciencieux, plus il est entraine a peindre
ceux qu'il connait le mieux: les siens, ses proches, ses amis intimes.
Pour mon compte, a l'exception de quelques romans ecrits sous
l'inspiration directe et demandee de ceux qui les avaient vecus: les
_Amours de Jacques, Madame Obernin, Pompon, Vices francais_, je n'ai
point pris mes modeles parmi les miens ni parmi mes intimes, et ceux qui
ont honore ou egaye ma vie de leur amitie ont eu cette securite de ne
point se voir servis tout vifs a la curiosite des lecteurs.
Mais pour ceux avec qui ne me liait point une etroite intimite, je
reconnais qu'il en a ete autrement, et particulierement pour les
personnages de la _Boheme tapageuse_ qui tous ou presque tous ont vecu
d'une vie propre que j'ai pu observer et rendre sans aucune trahison,
puisque selon la formule de la loi je n'ai ete ni leur parent, ni leur
allie, et que je n'ai pas plus ete attache a leur service qu'ils ne
l'ont ete au mien, si bien que j'ai pu ouvrir les yeux et les oreilles
sans que rien dans nos relations me fermat la bouche.
J'etais encore collegien et tout jeune collegien lorsque j'ai connu
celle qui, dans ce roman, est devenue la duchesse d'Arvernes, Avec
ma mere j'avais ete passer les vacances au bord de la mer, a
Sainte-Adresse, qu'Alphonse Karr venait de faire entrer dans la
notoriete, et je m'etais si bien ingenie aupres d'amis communs que
j'avais obtenu des lettres pour me faire ouvrir la porte de son jardin
dont revait mon admiration juvenile. C'etait justement le beau temps
de la reputation d'Alphonse Karr; il avait donne _Sous les Tilleuls,
Genevieve, le Chemin le plus court_, et depuis quelques annees il
publiait les _Guepes_ qui, a cette epoque, faisaient presque autant de
bruit qu'en a fait plus tard la _Lanterne_. On comprend quel pouvait
etre mon enthousiasme pour le premier ecrivain de talent que
j'approchais, car les jeunes gens de ma generation ne commencaient point
la vie par l'indifference ou le mepris pour leurs aines. Ce fut dans
ce fameux jardin original et bizarre dont il a tire tant de livres
charmants que je rencontrai la duchesse d'Arvernes, venue a
Sainte-Adresse pour y passer une saison avec sa mere, et comme nous
etions du meme age, comme elle s'ennuyait et n'ava
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