es carnets de depenses, ses lettres,
et c'est en les ayant sous les yeux, du premier au dernier mot de mon
roman, que je l'ai ecrit.
Ce que je dis a propos de Naurouse, de madame d'Arvernes, de Harly,
je pourrais le dire aussi a propos du prince de Kappel, de Savine,
de Mautravers; mais c'en est assez de ces quelques indications
d'observation pour qu'on voie comment a ete etudie et execute ce roman.
Je n'ajoute qu'un mot. Il est tres rare que dans mes romans j'aie
introduit des faits qui me soient personnels: dans _La Boheme
tapageuse_, j'ai manque une fois a cette regle, et si j'en parle ici
c'est pour expliquer un passage du _Dictionnaire des Contemporains_ de
Vapereau, copie par beaucoup d'autres, qui n'est pas tres exact, et par
cela m'a plus d'une fois ennuye. Vapereau dit: "Il (c'est moi) ecrivit
des brochures politiques pour un senateur." Les brochures, ou plutot
la brochure que j'ai ecrite, c'est celle qui m'a ete en quelque sorte
dictee par M. de Condrieu-Revel, exactement dans les memes conditions
que celles racontees dans mon roman, et elle etait historique,
non politique. Sous plus d'un point de vue la rectification a son
importance, pour moi au moins.
Bien qu'ecrite avec la sincerite dont je viens de donner quelques
preuves, _La Boheme tapageuse_, au moment de sa publication, fut accusee
d'exageration, et particulierement par Aurelien Scholl, qui avait bien
connu la plupart de ses personnages, et avait meme ete de l'intimite de
plus d'un d'entre eux. Dans un article qu'il publia a ce sujet, et dans
lequel il les nomme avec une liberte que prennent les chroniqueurs,
mais que se refusent les romanciers, il dit "C'est une serie d'actes
d'accusation."
Trop dure, la _Boheme tapageuse!_ trop cruelle! trop "acte
d'accusation!" Voyons la realite.
Peu de temps apres la mise en vente de mon roman, je recus d'un
magistrat un mot pour assister a une audience de la Cour d'Assises:
"L'affaire interessera l'auteur de la _Duchesse d'Arvernes_", me
disait-il.
En effet, cette affaire etait celle d'une des filles de la duchesse
d'Arvernes, accusee de faux, une de celles que le duc veut emmener dans
sa promenade, avec ceux de ses enfants qu'il croit les siens.
Elle fut acquittee; mais aurais-je jamais ose inventer un denouement
aussi cruel, aussi "acte d'accusation"? Tant il est vrai que le roman
reste le plus souvent au-dessous de la simple verite, au lieu d'aller
au-dela.
H. M.
End of the Project
|