se passe a
Paris ou a Bade, et je ne suis venue a toi que pour te parler de ce que
je savais sur la vie de madame de Barizel en Amerique. Le hasard ou
plutot, mon interet m'ayant amenee a rechercher ce qu'etait cette femme
qui, par son habilete et surtout par son audace, est parvenue a prendre
place dans le monde, et une place si haute, qu'elle croit pouvoir, par
sa fille, se rattacher aux plus grandes familles; il m'a paru que je me
ferais en quelque sorte sa complice si je ne t'avertissais pas de ce que
j'avais appris. Si je ne t'ai pas tout dit, tu en sais cependant assez
maintenant pour ne pas continuer ta route en aveugle. Ce que tu feras,
je ne me permets pas de te le demander. Je n'ai plus qu'une chose a
ajouter, c'est que jamais personne au monde ne saura un mot de ce que
je viens de te dire. Je te laisse ces papiers, pour moi inutiles; tu en
feras ce que ton honneur t'indiquera.
Elle se leva, tandis que Roger restait assis, aneanti, ecrase par ces
terribles revelations.
Le premier mouvement qu'il fit longtemps, tres longtemps apres le depart
de Raphaelle, fut d'etendre la main pour prendre un _Indicateur des
chemins de fer_ qui etait la sur une table; mais il lui fallut plusieurs
minutes pour trouver ce qu'il cherchait: les lettres dansaient devant
ses yeux troubles et les filets noirs qui separent les trains se
brouillaient; enfin il parvint a voir que le premier train pour Paris
etait a trois heures, ce serait ce draina qu'il prendrait.
Mais avant de partir il voulut voir Corysandre, et aussitot il se rendit
aux allees de Lichtenthal.
Ce fut Corysandre qui descendit pour le recevoir.
--Quel bonheur! dit-elle, le visage radieux, je ne vous attendais pas de
sitot; quelle bonne surprise!
Il se raidit pour ne pas se trahir:
--C'est une mauvais nouvelle que je vous apporte je suis oblige de
partir pour Paris par le train de trois heures.
--Partir!
Elle le regarda en tremblant: instantanement son beau visage s'etait
decolore.
--Et pourquoi partir? demanda-t-elle d'une voix rauque.
--Pour une chose tres grave... mais rassurez-vous, chere mignonne, et
dites-vous que je n'ai jamais mieux senti combien profondement, combien
passionnement je vous aime qu'en ce moment ou je suis oblige de
m'eloigner de vous... pour quelques jours seulement, je l'espere.
Tendrement elle lui tendit la main et le regardant avec des yeux doux et
passionnes:
--Alors partez, dit-elle, mais revenez vite, n'est-ce p
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