en hesitant
a chaque mot.
--S'il ne t'aime pas, il saisira cette occasion de rupture.
--Il m'aime.
--Si tu en es sure, cela augmente singulierement les chances de le voir
accourir; seulement, moi qui n'ai pas les memes raisons pour me fier a
cet amour, j'ai du renoncer a ce moyen que j'avais trouve tout d'abord
et qui conciliait tout: notre dignite et ton amour; car tu sens bien,
n'est-ce pas, que cette question de dignite est considerable? Que nous
continuions a recevoir le duc maintenant comme avant, et il s'etonnerait
bien certainement des facilites que je t'accorde, peut-etre meme cela
lui inspirerait-il des doutes pour le passe.
--Si je copiais cette lettre? repeta Corysandre, qui se perdait dans ces
paroles contradictoires et qui d'ailleurs etait trop profondement emue;
par la menace de sa mere pour pouvoir raisonner.
Puisqu'on lui disait, puisqu'on lui expliquait que cette lettre devait
tout concilier, ne serait-ce pas folie a elle de refuser le moyen qui
lui etait offert? En elle il y avait bien quelque chose qui protestait
contre l'emploi de ce moyen; mais elle n'etait guere en etat d'entendre
la voix de sa conscience et de son coeur, troublee, entrainee qu'elle
etait par la voix de sa mere qui ne lui laissait pas le temps de se
reconnaitre et de reflechir.
--Je n'ai pas le droit de t'empecher de risquer cette aventure, dit
madame de Barizel.
--Je pourrais la lui remettre quand il viendra.
--Oh! non, cela serait tres mauvais; ce qu'il faut, si tu veux copier
cette lettre, c'est qu'elle n'arrive au duc qu'apres que nous ne
l'aurons pas recu. Aussitot qu'il sera parti, tu la remettras a Bob, qui
la portera, et il est possible que quelques minutes apres nous voyions
le duc accourir ou qu'il m'ecrive pour me demander une entrevue. Je dis
que cela est possible, mais je ne dis pas que cela soit certain. Vois et
decide toi-meme.
Comme Corysandre restait hesitante, madame de Barizel reprit:
-Pour moi, au milieu de ces incertitudes, mon devoir de mere est
heureusement trace et je n'ai qu'a le suivre tout droit: Ne plus
recevoir le duc... a moins qu'il ne se presente pour me demander ta main
et, quoi qu'il m'en coute, je ne faillirai pas a ce devoir; plus tard,
quand tu ne seras plus sous le coup immediat de la douleur, tu me
remercieras de ma fermete.
Elle se dirigea vers la porte comme pour sortir; mais elle ne sortit
pas, car, tout en ayant l'air de vouloir laisser Corysandre a ses
reflexion
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