ve un moyen
pour n'en pas venir a cette terrible extremite et pour amener le duc a
me demander ta main aujourd'hui meme; mais, apres l'avoir longuement
examine, j'y ai renonce.
--Et pourquoi? s'ecria Corysandre en se jetant sur cette esperance qui
lui etait presentee.
--Pour deux raisons: la premiere, c'est qu'il est un peu aventureux; la
seconde, c'est que tu n'en voudrais peut-etre pas.
--Je voudrai tout ce qui ne nous separera pas.
--Tu dis cela.
--Cela est ainsi.
--Au reste, je veux bien t'expliquer ce moyen; s'il n'a plus
d'importance maintenant que je l'ai rejete, au moins peut-il te montrer
combien vivement je veux ton bonheur et aussi comment je m'ingenie
toujours a t'eviter des chagrins. Tu ecrivais au duc...
--Moi?
--Ah! tu vois; sans savoir, voila que tu m'interromps.
--C'est de la surprise, rien de plus.
--Tu ecrivais au duc et tu lui disais que j'exigeais la rupture de
votre intimite; puis, apres avoir en quelques mots exprime combien cela
t'etait cruel, tu ajoutais qu'il n'y avait qu'un moyen pour que cette
rupture n'eut pas lieu; et ce moyen, c'etait qu'il vint a moi. Cela
m'avait tout d'abord paru excellent, si bien que j'avais meme ecrit la
lettre, tiens, la voici; veux-tu la lire? Tu me diras si ces sentiments
sont les tiens et si je me suis mise a ta place.
Elle lui tendit la lettre, et Corysandre, l'ayant prise, commenca a la
lire; mais madame de Barizel ne la laissa pas aller loin.
--Est-ce que tu n'aurais pas evoque ces souvenirs dont je parle, si tu
avais toi-meme ecrit? demanda-telle.
--Oui, je crois.
Corysandre continua sa lecture, que sa mere interrompit bientot:
--N'aurais-tu pas encore dit toi-meme que tu etais navree de parler
contre ton coeur?
--Oh! oui.
--Allons, je vois que j'ai bien devine tes sentiments, mais n'est-il pas
tout naturel qu'une mere, bien que n'etant pas pres de sa fille, ecrive
en quelque sorte sous sa dictee! En realite cette lettre est de toi.
Corysandre acheva sa lecture.
--Quel malheur, dit madame de Barizel, qu'on ne puisse pas l'envoyer au
duc.
Elle fit une pause et, comme Corysandre ne disait rien, elle ajouta:
--Il y aurait des chances pour que le duc accourut tout de suite: au
moins cela m'avait paru probable en l'ecrivant, car tu penses bien
que je n'ai eu qu'un but: enlever M. de Naurouse a ses hesitations,
inexplicables s'il t'aime comme tu le crois.
--Et pourquoi ne pas l'envoyer? dit Corysandre lentement et
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