llez a ma mere, elle seule peut vous ouvrir notre
maison qu'elle veut vous tenir fermee."
--Et c'est tout: s'il ne comprend pas, c'est qu'il est stupide.
Maintenant, mon ami, relisez cela; arrangez mes phrases, donnez-leur une
bonne tournure. Je crois que l'essentiel est dit.
--Je me garderai bien de changer un seul mot a cette lettre, qui est
vraiment parfaite et que, pour mon compte, j'admire. Vous me demontrez
une chose que je croyais deja: c'est qu'il n'y a que les femmes qui
puissent ecrire des lettres.
XXVIII
Aussitot que Leplaquet fut parti, madame de Barizel se mit a copier
la lettre qu'elle avait dictee, ou plutot a la dessiner, car pour son
esprit ignorant aussi bien que pour sa main inexperimentee l'ecriture
etait une sorte de dessin; elle imitait scrupuleusement ce qu'elle avait
devant les yeux; puis, quand elle avait fini un mot, elle comptait sur
le modele le nombre de lettres dont il se composait, et elle faisait
aussitot, la meme operation sur sa copie. Ne fallait-il pas que
Corysandre ne put pas se tromper?
Enfin, apres beaucoup de mal et de temps, elle vint a bout de ce
travail, et aussitot elle fit appeler sa fille; mais, avant que
Corysandre entrat, elle eut soin de cacher sa copie.
--Je t'ai fait appeler, dit madame de Barizel, pour te parler de M. de
Naurouse.
Corysandre regarda sa mere avec inquietude; elle eut voulu qu'on ne lui
parlat pas de Roger.
--Je t'ai dit, continua madame de Barizel, que s'il ne se prononcait pas
nous romprions toutes relations.
--Il s'est prononce.
--Avec toi, oui; mais avec moi? C'est dimanche qu'il t'a declare son
amour; le soir meme il devait me demander ta main ou en tous cas il
devait le faire le lendemain; il ne l'a pas fait. Je dois donc, quoi
qu'il m'en coute, ne pas laisser cette cour se prolonger plus longtemps.
A partir d'aujourd'hui notre porte sera fermee au duc.
Cela fut dit d'une voix ferme qui annoncait une volonte inebranlable.
Cependant, apres quelques courts instants de silence, elle parut
s'adoucir.
--Cela est terrible pour toi, ma pauvre fille, je le comprends, je le
sens; mais que puis-je y faire?
--Pourquoi ne pas attendre? essaya Corysandre.
--Sois certaine que ca n'a pas ete sans de longues hesitations, que je
me suis arretee a cette resolution. Je l'ai balancee toute la nuit, ne
pouvant pas me resoudre a te briser le coeur, prevoyant bien, sentant
bien quelle serait ta douleur. Un moment j'ai cru avoir trou
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