tromperie: il n'y avait que trop de hontes et de miseres dans sa vie,
elle ne voulait pas que dans son amour il y eut un mauvais souvenir.
C'etait en s'habillant qu'elle reflechissait ainsi, et elle venait de
terminer sa toilette lorsque sa mere rentra dans sa chambre.
--Comment, s'ecria madame de Barizel, apres l'avoir regardee, c'est
ainsi que tu t'habilles en un jour comme celui-ci?
--Je me suis habillee comme tous les jours.
--C'est justement ce que je te reproche; tu dois etre irresistible.
Corysandre glissa un regard du cote de la glace.
--Tu veux dire que tu l'es, continua madame de Barizel, tu l'es comme tu
l'etais hier, avant-hier; mais c'est plus qu'avant-hier, plus qu'hier,
que tu dois l'etre aujourd'hui, et differemment. Ne t'ai je pas explique
que c'etait par ta beaute, plus encore que par tes paroles, que tu
devais enlever le duc de Naurouse: il faut donc que tu sois tout a ton
avantage, avec quelque chose de provocant, de vertigineux qui ne lui
laisse pas sa raison; et cette toilette-la n'est pas du tout ce qui
convient. C'est quelque chose d'abominable qu'a ton age tu ne saches
pas encore ce qui fait perdre la tete a un homme. Defais-moi vite cette
robe-la, ce col, et puis viens la que je t'arrange les cheveux; bas
comme ils sont, ils te donnent l'air d'une fille de ministre qui va
chanter des psaumes.
En un tour de main elle lui eut retrousse et releve son admirable
chevelure de facon a changer completement le caractere de sa
physionomie, qui, de calme et honnete qu'elle etait, devint audacieuse.
--Maintenant, dit madame de Barizel, voyons la robe.
Elle ouvrit les armoires et, prenant les robes qui etaient accrochees la
les unes a cote des autres, elle en jeta quelques-unes sur le lit, mais
sans faire son choix; elle en garda une dans ses mains, et, l'examinant:
--Je crois que celle-la est ce qu'il nous faut: le corsage entr'ouvert,
montrant bien le cou et un peu la gorge, c'est parfait; avec une petite
croix se detachant bien sur la blancheur de la peau et qui attirera les
yeux, tu seras a ravir. Essayons.
--Je ne mettrai pas cette robe-la, dit Corysandre resolument.
--Et pourquoi donc!
--Parce qu'elle ouvre trop.
--Tu l'as bien mise pour diner avec Savine et tu n'as jamais ete aussi
jolie que ce soir-la.
--Savine n'etait pas Roger, et puis c'etait pour un diner; tu etais la,
il y avait du monde.
--Es-tu folle!
--Je ne la mettrai pas.
Cela fut dit d'un ton si f
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