rme, allant successivement
d'un cote a l'autre, de facon a embrasser entierement la vue qui se
deroulait devant eux; chaque fois que Corysandre se penchait au-dessus
du balcon pour regarder la place, elle voyait sa mere, immobile dans la
caleche, toute petite, et n'agitant aucun mouchoir.
Personne ne viendrait donc la tirer de son embarras qui avec le temps
allait en s'accroissant.
La journee etait radieuse et chaude, mais a cette hauteur la brise qui
soufflait a travers les arceaux rafraichissait l'air; cependant elle
etouffait, le coeur serre par l'emotion.
Pour Roger, il paraissait pleinement heureux, et a chaque instant il
etendait la main vers l'horizon pour lui montrer un point qu'il lui
designait jusqu'a ce qu'elle l'eut apercu elle-meme.
--Ne trouvez-vous pas, disait-il, que c'est une douce joie, pleine de
poesie et de charme, de se perdre ainsi ensemble dans ces profondeurs
sans bornes, cela ne vous rappelle-t-il pas Eberstein?
Ce souvenir ainsi evoque la fit fremir de la tete aux pieds, elle se
sentit prise par une molle langueur.
--Si vous vouliez, dit-elle, nous pourrions redescendre.
--Deja!
--Ma mere n'a pas une aussi belle vue que nous dans sa voiture.
Comme ils arrivaient a l'escalier, il se retourna:
--Voulez-vous que nous jetions un dernier regard sur ce panorama,
dit-il, pour bien le graver en nous et l'emporter; c'est la un des
charmes de ces belles vues de faire un cadre a nos souvenirs.
Une derniere fois ils firent le tour de la plate-forme; mais Corysandre
etait trop emue, trop profondement troublee, pour rien voir: personne
n'etait venu, et elle n'avait rien dit.
Ils revinrent a l'escalier, qui a cet endroit est tres etroit et tourne
dans une assez brusque revolution. Roger descendit le premier et
Corysandre le suivit, indifferente, insensible a ce qui se passait
autour d'elle, marchant sans regarder a ses pieds, toute a la pensee de
la separation que sa mere allait certainement lui imposer, n'etant pas
femme a revenir sur une chose qu'elle avait dite: Roger ne s'etait point
prononcee il fallait quitter Bade. Quand, comment le reverrait-elle?
Tout a coup elle glissa sur une marche polie et elle se sentit tomber en
avant; justement en face d'elle une petite fenetre longue s'ouvrait sur
le vide. Instinctivement elle crut qu'elle allait etre precipitee par
cette fenetre, et, etendant les deux mains, elle laissa echapper un cri:
--Roger!
Le bruit de la glissade lui av
|