ait deja fait retourner la tete. Vivement
il lui tendit les bras et la recut sur sa poitrine; comme il avait le
dos appuye contre la muraille, il ne fut pas renverse.
Elle etait tombee la tete en avant et elle restait sur l'epaule de
Roger, a demi cachee dans son cou; doucement il se pencha vers elle, et,
la serrant dans ses deux bras, il lui posa les levres sur les levres.
Alors a son baiser elle repondit par un baiser.
Longtemps ils resterent unis dans cette etreinte passionnee.
Puis, faiblement, elle murmura quelques paroles:
--Vous m'aimez donc!
Mais a ce montent un bruit de pas et des eclats de voix retentirent
an-dessous d'eux: c'etaient des visiteurs qui montaient et qui allaient
les rejoindre.
Il fallut se separer et descendre.
Mais le hasard, qui leur avait ete jusque-la favorable, leur etait
devenu contraire: le dejeuner venait de finir dans les hotels et c'etait
par bandes qui se suivaient que les visiteurs montaient a la tour; ils
n'eurent pas une minute de solitude assuree dans ces escaliers deserts,
lors de leur ascension, et dont les voutes sonores retentissaient
maintenant de cris et de rires. Tout ce qu'ils purent donner a leur
amour, ce furent de furtives etreintes bien vite interrompues.
Quand Corysandre s'approcha de la voiture, elle sentit les yeux de sa
mere poses sur elle et la devorant; mais elle tint les siens baisses,
incapable de soutenir ces regards, et plus incapable encore de leur
repondre: une emotion delicieuse l'avait envahie et elle eut voulu ne
pas s'en laisser distraire; tout bas elle se repetait: "Il m'aime, il
m'aime, il m'aime;" et quand elle ne prononcait pas ces mots avec ses
levres, ils resonnaient dans son coeur qu'ils exaltaient.
--Au Schlossberg, dit madame de Barizel au cocher lorsque Roger et
Corysandre eurent pris place pres d'elle.
Et la voiture roula par les rues de la ville encombrees de gens
endimanches; les femmes coiffees du bonnet au fond brode d'or et
d'argent avec des papillons de rubans noirs; les jeunes filles, leurs
cheveux blonds pendants en deux longues tresses entrelacees de rubans;
les hommes, pour la plupart portant le chapeau a une corne ou meme,
malgre la chaleur, le bonnet a poil de martre a fond de velours surmonte
d'une houppe en clinquant.
A entendre les observations de madame de Barizel, c'etait a croire
qu'elle n'avait d'autre souci en tete que de regarder les gens de
Fribourg et de les etudier au point de vue du costume et
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