des moeurs.
Corysandre et Roger ne repondaient rien, mais ils paraissaient ecouter;
en realite ils se regardaient et par de brulants eclairs leurs yeux se
disaient leur bonheur.
--Je t'aime.
--Je t'aime.
A un certain moment, dans la montagne, madame de Barizel, prise d'un
acces de pitie pour les chevaux, ce qui n'etait cependant pas dans ses
habitudes, voulut descendre pour qu'ils pussent monter avec moins de
peine la cote, qui etait rude.
Ce fut une joie pour Roger de prendre Corysandre dans ses bras pour
l'aider a descendre et de la serrer plus tendrement qu'il n'avait ose le
faire jusqu'a ce jour, et ce fut une joie pour lui comme pour elle
de marcher cote a cote dans cette montee ombragee par de grands bois
sombres.
Madame de Barizel etait restee en arriere. Tout a coup elle appela
Corysandre, qui redescendit, tandis que Roger continuait de monter.
--Eh bien? demanda madame de Barizel a voix basse lorsque sa fille fut
a portee de l'entendre. Corysandre, qui connaissait bien sa mere,
s'attendait a cette question et elle avait prepare sa reponse.
--Il m'a dit qu'il m'aimait, murmura-t-elle.
--Enfin, peu importe; maintenant la victoire est a nous. Tu vois si
j'avais raison dans mes previsions et mes combinaisons; ecoute-moi donc
jusqu'au bout. Tant qu'il ne m'aura pas adresse sa demande, je te prie
de t'arranger pour ne pas te trouver seule avec lui. Moi, de mon cote,
je ferai en sorte que vous n'ayez pas de tete-a-tete, ceux que je vous
ai menages etaient indispensables, maintenant ils seraient nuisibles.
Il vaut mieux exasperer le desir du duc et l'entretenir que de le
satisfaire.
XXVII
Elle attendait la demande du duc de Naurouse pour le soir meme; aussi
fut-elle assez vivement surprise, lorsqu'en arrivant a Bade le duc prit
conge d'elles sans avoir rien dit.
--Ce sera pour demain, pensa-t-elle.
Mais la journee du lendemain fut ce qu'avait ete celle du dimanche, au
moins quant a la demande attendue.
Evidemment il se passait quelque chose d'extraordinaire.
Depuis qu'elle s'etait mis en tete de faire faire a Corysandre un grand
mariage, elle vivait sous le coup d'une menace qui, se realisant,
pouvait aneantir ses esperances et toutes ses combinaisons: le passe.
Qu'un de ces pretendants vint a connaitre ce passe, ne se retirerait-il
pas?
Savine l'avait-il connu?
Pour Savine, la question n'avait plus qu'un interet theorique; mais,
pour le duc, elle avait un interet immediat e
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