ans le salon.
--Eh bien? s'ecria-t-elle.
Corysandre ne repondit pas, car l'arrivee de sa mere la ramenait
brutalement dans la realite, et elle eut voulu ne pas y revenir.
--Parle, parle donc.
Elle ne dit rien.
--Tu ne lui as donc pas adresse ta demande?
--Si.
--Eh bien alors? Il t'a repondu quelque chose. Quoi?
--Il a repondu: "Je suis heureux de vous dire qu'il sera fait selon
votre desir, je ne monterai pas, je puis facilement me degager."
--Et puis?
--Je lui ai tendu la main.
--Et alors?
--Il est parti.
Madame de Barizel leva les bras au ciel par un mouvement de stupefaction
desesperee; mais elle ne voulut pas s'abandonner.
--Voyons, voyons, dit-elle en faisant des efforts pour se calmer,
prenons les choses au commencement et dis-moi comment elles se sont
passees en suivant l'ordre: M. de Naurouse est arrive, ou s'est-il
assis?
--La, sur cette chaise.
--Et toi?
--J'etais dans ce fauteuil.
--Alors?
--Il m'a demande des nouvelles de ma sante, et je lui ai repondu.
--Et puis?
--Il s'est etabli un moment de silences entre nous, et nous sommes
restes en face l'un de l'autre, un peu embarrasses.
--Tres bien. Et puis?
--Nous nous sommes mis a parler.
--De quoi?
--De choses insignifiantes.
--Mais quelles choses?
--Ah! je ne sais pas.
--Mais tu es donc tout a fait stupide?
--Sans doute.
--Comment, tu ne peux pas me repeter ce que vous avez dit?
---Nous n'avons rien dit.
--Vous etes restes en tete-a-tete pendant plus de deux heures.
--Nous n'avons pas eu conscience du temps ecoule.
--Alors comment l'avez-vous employe, ce temps?
--De la facon la plus charmante.
--Comment?
--Je ne sais pas.
--Tu te moques de moi.
--Je t'assure que non. Nous avons parle, nous nous sommes regardes, nous
avons ete heureux; mais ce que nous avons dit, les mots memes, les
idees de notre entretien, je ne me les rappelle pas. Ce qui m'en reste
seulement, c'est l'impression, qui est delicieuse.
Madame de Barizel regarda sa fille pendant quelques instants sans
parler, reflechissant. Evidemment elle etait aussi bete que belle,
il n'y avait rien a en tirer, et la presser de questions, la secouer
fortement, n'aurait aucun resultat; mieux valait ne pas se laisser.
emporter par la colere et la prendre par la douceur.
--Enfin, reprit elle, peux-tu au moins m'expliquer comment tu lui as
adresse ta demande?
--Si tu y tiens, oui.
--Comment si j'y tiens!
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