demi baisse,
elle paraissait absorbee dans la contemplation des cimes noires de la
montagne qui se trouvait en face de leur chalet.
--Que fais-tu la? demanda madame de Barizel.
--Je reflechis.
--A quoi?
--A ce que tu m'as dit hier.
--Et quel est le resultat de tes reflexions, je te prie?
--C'est de te prier de ne pas perseverer dans ton idee et de nous
laisser etre heureux tranquillement.
--Tu es folle. Moi aussi, j'ai reflechi, et j'ai justement trouve le
moyen d'amener le duc de Naurouse a se prononcer aujourd'hui meme. Tu
comprends que ce n'est pas quand j'ai passe une partie de la nuit a
chercher ce moyen et quand je suis certaine d'arriver a un resultat que
je vais ecouter tes billevesees: c'est a toi de m'ecouter et de faire
exactement ce que je vais te dire. Comprends-moi bien; suis mes
instructions et avant un mois tu seras duchesse de Naurouse. Il doit
venir tantot, n'est-ce pas? Eh bien tu seras seule; je ferai la sieste
apres une mauvaise nuit et tu penseras que je ne dois pas me reveiller
de sitot; mais, au lieu d'en paraitre fachee, tu t'en montreras
satisfaite. Voyons, ce ne peut pas etre un chagrin pour toi de rester en
tete a-tete avec le duc?
--C'est un embarras.
--Montre de l'embarras si tu veux, cela ne fait rien. D'ailleurs, ce
qu'il faut avant tout, c'est etre naturelle. Donc, le duc arrive. Tu es
dans un fauteuil comme en ce moment et tu lui tends la main. Attention!
Ecoute et regarde: je suis le duc.
Faisant quelques pas en arriere, elle alla a la porte; puis elle revint
vers Corysandre, marchant vivement, legerement, comme le duc, les deux
mains tendues en avant, le visage souriant:
--Seule? (c'est le duc qui parle). Alors tu reponds:
--Oui, ma mere a passe une mauvaise nuit, elle fait la sieste. La-dessus
le duc te dit quelques mots de politesse pour moi et tu reponds ce que
tu veux, cela n'a pas d'importance; ce qui en a, c'est ce que tu dois
ajouter, ecoute donc bien...--Et elle reprit la voix de Corysandre:--Au
reste, je suis bien aise de cette absence, qui me permet de vous
adresser une priere.--La-dessus, tu as l'air aussi embarrasse que
tu veux; seulement, en meme temps, tu dois aussi avoir l'air emu et
attendri; tu le regardes longuement avec des yeux doux; plus ils seront
doux, plus ils seront tendres, mieux cela vaudra.--Une priere? dit le
duc surpris autant par les paroles que par ton attitude.--Oui, et que
je n'oserai jamais vous dire si vous ne m'aidez pas
|