arce qu'il le faut et parce que tout n'est que comedie en ce monde.
Qui te revolte dans celle-la, puisqu'elle est conforme a tes sentiments?
--La comedie meme.
Madame de Barizel haussa les epaules par un geste qui disait clairement
qu'elle ne comprenait rien a cette reponse.
--Cette lecon que tu viens de me donner ressemble-t-elle a celles que
les meres donnent ordinairement a leurs filles? dit Corysandre d'une
voix tremblante, et ce que tu veux que je fasse, toi, n'est-ce pas
justement ce que les autres meres defendent?
--T'imagines-tu donc que je suis une mere comme les autres! Non, pas
plus que tu n'es une fille comme les autres. C'est une des fatalites de
notre position de ne pouvoir pas vivre, de ne pouvoir pas agir, penser,
sentir comme les autres. Crois-tu donc que les gens qui marchent la tete
en bas dans les cirques ou qui dansent sur la corde au-dessus du Niagara
n'aimeraient pas mieux marcher comme tout le monde: ils gagnent leur
vie. Eh bien, nous, il nous faut aussi gagner la notre; et pour cela
tous les moyens sont bons. N'aie donc pas de ces repugnances d'enfant.
En somme je ne te demande rien de bien terrible: tu as peur que le duc
de Naurouse monte dans ce steeple-chase ou il peut se casser le cou,
dis-le-lui; le duc t'aime, qu'il te le dise. Cela est bien simple et ta
resistance n'a pas de raison d'etre. Tu prefererais que les choses se
fissent toutes seules; moi aussi; mais ce n'est ni ma faute ni la tienne
si nous sommes obligees d'y mettre la main. Quel mal y a-t-il a cela? De
l'ennui, oui, j'en conviens. Mais c'est tout. Et le titre de duchesse
de Naurouse merite bien que tu te donnes un peu d'ennui pour l'obtenir.
Crois-en mon experience, le duc peut t'echapper si tu laisses les choses
trainer en longueur; presse-les donc. Pour cela le meilleur moyen
est celui que je viens de t'indiquer. Etudions-le donc avec soin et
reprenons-le, si tu veux bien. Tu es seule, le duc arrive.
Comme elle l'avait fait une premiere fois, elle alla a la porte pour
representer l'entree du duc.
Et la repetition continua exactement comme si elle avait ete dirigee par
un bon metteur en scene.
Tour a tour, madame de Barizel remplissait le personnage du duc et celui
de Corysandre, mais c'etait a ce dernier seulement qu'elle donnait toute
son application: elle disait les paroles, elle mimait les gestes et
elle les faisait repeter a Corysandre, recommencant dix fois la meme
intonation ou le meme mouvement.
--T
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