ans le choix des moyens a employer pour atteindre un but et la
souplesse dans la mise en execution de ces moyens, l'ingeniosite a se
retourner, l'assurance dans le danger, le calme dans le succes, la
fertilite de l'imagination, la fermete du caractere, de sorte que quand
elle se comparait a sa fille et cherchait en celle-ci l'une ou l'autre
de ces qualites sans les trouver, elle ne pouvait pas reconnaitre
qu'elle etait intelligente; stupide au contraire, aussi bete que belle.
Ce defaut de confiance dans l'intelligence de sa fille lui rendait sa
tache delicate. Avec une fille deliee rien n'eut ete plus facile que de
lui tracer le canevas d'une scene qui aurait infailliblement amene a ses
pieds un homme epris et passionne comme le duc de Naurouse; mais avec
elle il n'en pouvait pas etre ainsi: ce qu'on lui dirait d'un peu
complique, elle ne le repeterait pas; ce qu'on lui indiquerait d'un peu
fin, elle ne le ferait pas. Il lui fallait quelque chose de simple, de
tres simple qu'elle put se mettre dans la tete et executer. Mais quelque
chose de tres simple et de tout a fait primitif agirait-il sur le duc de
Naurouse?
Elle chercha dans ce sens; malheureusement elle n'etait a son aise que
dans ce qui etait complique, savamment combine, entortille a plaisir;
tout ce qui etait simple lui paraissait fade ou niais, indigne de
retenir son attention.
Et cependant, c'etait cela qu'il fallait, cela seulement: quelques mots,
une intonation, un geste, un regard, et il etait entraine; mais ces
quelques mots, cette intonation, ce geste, ce regard, ne pouvaient
produire tout leur effet que s'ils etaient en situation.
C'etait donc une situation qu'il fallait trouver, et, si elle etait
bonne, elle porterait la mauvaise comedienne qui la jouerait.
Une partie de la nuit se passa a chercher cette situation; elle en
trouva vingt, mais bonnes pour elle-meme, non pour Corysandre, se
depitant, s'exasperant de voir combien il etait difficile d'etre bete;
enfin, de guerre lasse, elle s'endormit.
Le lendemain, en s'eveillant, il se trouva que le calme de la nuit
avait fait ce que le trouble de la soiree avait empeche: elle tenait sa
situation, bien simple, bien bete, et telle qu'il fallait vraiment etre
endormie pour en avoir l'idee.
Aussitot elle passa un peignoir et vivement elle entra dans la chambre
de sa fille.
Corysandre etait levee depuis longtemps deja, et, assise dans un
fauteuil devant sa fenetre, sous l'ombre d'un store a
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