longtemps parle; et, de plus, il
est bon d'oublier.
Car pour etre un heros on n'en est pas moins homme.
Est-ce que ca fait un vers francais, ca? Je n'en sais rien; ca en a
l'air; mais il faut m'excuser, je ne suis qu'en rustre ou un Russe, et
entre les deux il n'y a pas grande distance... pour les vers francais.
XX
C'etait le malheur de Savine, de ne pas inspirer confiance a ceux qui
le connaissaient, et Roger le connaissait bien. Tout d'abord, il avait
eprouve un moment d'emotion quand Savine lui avait dit: "J'ai fait mon
examen de conscience et ma conscience m'a repondu que c'etait avec Roger
que Corysandre pouvait etre heureuse"; et cette emotion etait devenue
plus vive quand Savine, mettant la main sur son coeur, avait ajoute avec
des larmes dans la voix: "Un de nous deux est de trop a Bade, je vous
cede la place aupres de Corysandre." Mais cette emotion, qui n'etait pas
descendue bien profondement en lui, n'avait pas etouffe la reflexion.
Comment Savine accomplissait-il un pareil sacrifice, lui qui n'etait
pas l'homme des sacrifices et qui n'avait jamais ecoute que la voix de
l'interet personnel le plus etroit?
Il eut fallu etre d'une naivete enfantine pour rejeter ces questions
sans les examiner et les peser.
Dans tout ce que Savine avait dit, et au milieu de cette explosion de
sensibilite peu naturelle chez un homme comme lui, et plus faite, par
son exces meme, pour inspirer le doute que la confiance, il n'y avait
qu'une chose certaine: sa renonciation a Corysandre.
Mais les raisons qui avaient amene cette renonciation n'etaient
nullement claires et encore moins satisfaisantes, si on s'en tenait aux
confidences de Savine.
Un homme qui s'est montre assidu aupres d'une jeune fille, qui a affiche
pour elle l'admiration et l'enthousiasme, qui s'est pose hautement en
pretendant et qui, tout a coup, se retire et renonce a elle, l'accuse.
Quelles accusations portait Savine?
Il eut ete pueril de l'interroger a ce sujet, puisque sa renonciation,
comme il le disait lui-meme, etait un acte d'heroisme amical; mais, ce
qu'on ne pouvait pas lui demander, on pouvait, on devait le demander
a d'autres, et les renseignements qu'il avait obtenus, on pouvait les
obtenir soi-meme.
En realite, Roger ne savait rien de la famille de Barizel, si ce n'etait
ce que Leplaquet lui avait raconte; mais ces longs recits, faits par un
pareil temoin, n'etaient pas suffisants pour dire ce qu'avait ete M. de
Bariz
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