ou cinq
cent mille francs de rente. Quelle figure peut-on faire avec cela dans
le monde?
Il haussa les epaules avec un parfait mepris.
--Et puis... j'allais oublier un autre point sur lequel j'ai aussi des
reserves a faire: c'est la sante. Il n'est pas solide, ce pauvre diable
de Naurouse; son pere est mort d'une maladie du cerveau; sa mere a
succombe a une maladie de poitrine et lui-meme est, je le crois bien,
je le crains bien, poitrinaire. Mais, vous savez, on vit tres bien
poitrinaire; et puis, en plus des on-dit, il y a un fait: c'est la facon
dont il s'est jete a corps perdu dans des amours... ridicules; tout
poitrinaire est follement sentimental, cela est connu. Cela me peine et
beaucoup de vous parler ainsi, mais la confiance que vous me temoignez
me fait un devoir d'etre franc et de tout dire. C'est pour cela aussi
que je ne peux point passer sous silence la manie facheuse que Naurouse
a eue de jeter son argent par les fenetres pour faire du bruit, du
tapage, pour paraitre, au lieu de s'amuser pour le plaisir de s'amuser.
C'est pour cela aussi que je rappelle le proces en usurpation de nom
intente a son grand-pere, ce qui demolira terriblement la noblesse de
Roger, si ce proces est perdu par M. de Condrieu-Revel, comme tout le
fait supposer. Mais cela n'empeche, pas que Naurouse ne soit un charmant
garcon; on n'est pas parfait, meme quand la faveur publique, qui souvent
est bien bete, vous fait une sorte d'aureole.
Madame de Barizel n'avait jamais entendu Savine parler si longuement. Ou
voulait-il en venir avec cette demolition en regle qui n'avait epargne
ni la fortune, ni la sante, ni le nom, ni le caractere, et qui s'etait
terminee par une conclusion qui avait si peu de rapport avec ses
attaques.
--Aussi, en mon ame et conscience,--il se posa la main sur le coeur
majestueusement,--mon avis est... c'est-a-dire le conseil que je vous
donne est que vous acceptiez la demande du duc de Naurouse quand il vous
l'adressera.
Bien que madame de Barizel fut inquiete depuis quelques instants deja,
ce coup la surprit si fort, qu'il la laissa un moment aneantie.
--Car il vous adressera cette demande, continua Savine, cela ne fait pas
le moindre doute pour moi. Comment aurait-il pu rester insensible a
la splendide beaute de mademoiselle Corysandre, a son charme, a ses
seductions, qui font d'elle une merveille incomparable! Pour moi il y a
longtemps que je vous aurais adresse cette demande en mon nom... si je
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