et decrit, dans un langage anime, et le danger pressant
qui le force a parler, et les poignantes inquietudes qu'il eprouve. La
foi des apotres et des martyrs est menacee, et nul ne resiste, nul ne
parle. Il souffre, il se consume, il frissonne, et cependant Pierre
Abelard recommence a dire, a ecrire ses nouveautes; ses doctrines
courent le royaume et les provinces; ses livres passent les mers; chose
plus grave, ils ont franchi les Alpes, et l'on dit qu'ils ont obtenu de
l'autorite en cour de Rome. Ainsi le mal se propage, et bientot envahira
tout, si Bernard et Geoffroi n'y mettent un terme. "Je ne savais en qui
me refugier. Je vous ai choisis entre tous, je me suis tourne vers vous,
et je vous appelle a la defense de Dieu et de toute l'Eglise latine.
Car il vous craint, cet homme, et vous redoute. Fermer les yeux, qui
craindra-t-il? Et apres ce qu'il a deja dit, que dira-t-il, lorsqu'il
ne craindra personne? Ils sont morts, presque tous les maitres de la
doctrine ecclesiastique, et voila qu'un ennemi domestique fait irruption
dans la republique deserte de l'Eglise, et s'y conquiert une exclusive
domination. Il traite l'Ecriture sainte comme il traitait la
dialectique; ce ne sont qu'inventions a lui personnelles, que nouveautes
annuelles. C'est le censeur et non le disciple de la foi, le correcteur
et non l'imitateur de nos maitres."
A l'appui de cette denonciation, il releve dans les deux ouvrages
d'Abelard treize articles condamnables, et il indique les noms d'autres
livres qu'il ne connait pas et qu'on tient caches: c'est le _Oui et le
Non_, c'est le _Connais-toi toi-meme_, dont les titres, qu'il
trouve monstrueux, lui paraissent annoncer dans le texte d'autres
monstruosites. Cette lettre servait de preface a une dissertation en
forme qui l'accompagnait, ou qui du moins la suivit de fort pres. La,
Guillaume discute en detail et combat avec beaucoup de soin les treize
erreurs capitales dont il accuse Abelard, et sa refutation, composee
d'autant de chapitres qu'il trouve d'erreurs a refuter, n'est
certainement pas d'un esprit vulgaire. Inferieure pour le mouvement et
la puissance a celle que saint Bernard adressa plus tard au pape, ecrite
d'un style moins colore et moins brillant, elle atteste un esprit plus
subtil, plus propre a penetrer dans le fond des questions de dialectique
et meme de metaphysique. Sa pensee generale est celle d'une foi
implicite et absolue, qui affirme et n'explique pas; l'esprit humain,
quand
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