la foi. Le dogme de la Trinite, la personne du Mediateur, le
Saint-Esprit, la Grace, le sacrement de la Redemption, lui parurent
compromis par les temerites d'un homme qui portait dans l'Eglise
l'esprit qu'il avait montre dans l'ecole. Saisi d'inquietude et
d'indignation, Guillaume de Saint-Thierry hesita sur ce qu'il devait
faire. Il trouvait le scandale manifeste, le peril grave et imminent.
L'Eglise n'avait plus, a son avis, dans le monde et dans l'ecole, de
docteurs celebres et vigilants, capables de soutenir avec eclat la
saine croyance, de representer le veritable esprit de la religion. Il
appartenait a un parti ou l'on estimait que, depuis la mort de Guillaume
de Champeaux et d'Anselme de Laon, _le feu de la parole de Dieu s'etait
eteint sur la terre_[231]. Ceux qui pouvaient le rallumer restaient
comme ensevelis dans les soins de l'episcopat, les meditations du
cloitre, ou le gouvernement des affaires temporelles de l'Eglise.
Il s'alarmait de leur silence, et, d'un autre cote, il avait aime
Abelard[232]; il eprouvait apparemment ce melange de gout et de crainte
que ressentaient pour lui tant d'hommes eminents de ce siecle; il
balancait a l'attaquer, craignant de passer pour trop vif ou pour trop
defiant. Cependant l'interet de la foi l'emporta dans son ame, et
dominant toute autre consideration, au risque de s'engager dans une
affaire difficile, il resolut de provoquer directement, dut-il leur
deplaire, ceux dont le silence lui semblait une calamite pour l'Eglise.
Il ecrivit une lettre commune a l'abbe de Clairvaux, et a Geoffroi,
l'eveque de Chartres.
[Note 230: C'est lui qui s'exprime ainsi dans une Epitre aux
chartreux du Mont-Dieu, qui precede son traite de la Vie solitaire, et
ou il enumere tous ses ouvrages. Il dit meme qu'il a interrompu son
exposition du Cantique des Cantiques aux versets 3 et 4 du chap. III.
La, en effet, se termine cette exposition qui est inseree dans la
Bibliotheque des Peres de Citeaux. (_Lib. de vit. solit._, praefat., t.
IV, p. 1.)]
[Note 231: "Mortuo Anselmo laudunensi et Guillelmo catalaunensi,
ignis verbi Dei in terra defecit." (Hug. Melel., ep. IV ad Innocent., p.
330.)]
[Note 232: "Dilexi et ego eum." (S. Bern., _Op._, ep. CCCXVI,
Guillelm. abbat. ad. Gaufrid. et Bernard.--_Biblioth. Patr. cisterc._,
t. IV, p. 112.)]
Dans cette lettre que le temps a respectee, Guillaume, tout en leur
demandant presque pardon de les troubler, gourmande respectueusement
leur quietude,
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