raef. in fin.) On lisait cela dans une
chronique manuscrite de Cluni. Les mots _perfide dogmatizans_ ont ete
repetes ailleurs. (Guill. Nang. _Chron., Rec. des Hist._, t. XX, p.
731.)]
Non moins puissant et non moins passionne, retentit bientot de l'autre
cote le cri de l'independance. Abelard lui-meme, irritable et convaincu,
opposait aux accusations des denegations sinceres, et, ne croyant que se
defendre, prenait contre ce qu'il appelait la mauvaise foi, l'ignorance
ou l'envie, une offensive hautaine. Ses disciples toujours nombreux
renvoyaient l'insulte a la reprobation, et le mepris a l'anatheme. Ils
avaient pour eux les droits de l'intelligence. Ils pensaient defendre
contre des prejuges tyranniques la verite eternelle et nouvelle a la
fois. Abelard pouvait se regarder comme le representant de ce que le
christianisme renfermait de plus eclaire, comme le docteur, sinon de la
majorite dans l'Eglise, au moins d'une minorite pleine d'esperance et
d'avenir. Tous les esprits hardis se groupaient autour de lui. Ceux
meme qui exageraient ou denaturaient ses opinions, ceux meme qui
en soutenaient d'autres, ou, comme on dirait aujourd'hui, de plus
_avancees_, le prenaient pour chef, et voulaient, a leur profit, faire
triompher en lui la liberte de penser. Un docteur qui avait etudie
avec lui et sous lui, Gilbert de la Porree, chancelier de l'eglise
de Chartres et deja celebre par la solidite et le succes de son
enseignement, avait commence a developper sur l'essence divine, sur
ses attributs, sur la difference des personnes aux proprietes dans la
Trinite, ces subtilites ingenieuses, hasardees, dont il devait, huit
ans apres, etant eveque de Poitiers, venir repondre devant deux
conciles[242]. Pierre Berenger, zele disciple d'Abelard, deja revetu des
fonctions de scolastique, et qui devait defendre plus tard son maitre
dans une courageuse apologie, nourrissait et ne cachait pas contre le
despotisme ecclesiastique ces sentiments d'opposition dont il a rendu
l'expression si vive et si piquante[243].
[Note 242: Gilbert de la Porree (_Porretanus_) soutint des opinions
theologiques qu'on trouve, sous quelques rapports, analogues a celles
d'Abelard. Il rencontra aussi saint Bernard pour adversaire. Il fut
traduit devant le consistoire de Paris et au concile de Reims, en 1148.
(Ott. Frising. _De Gest. Frid_., l.1, c. XLVI, L et seq.--_Hist. litt_.,
t. XII, p. 486.)]
[Note 243: Pierre Berenger, de Poitiers, scolastique on ne sai
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