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a la France et meme a la Gaule, avaient rapporte dans leur patrie son
souvenir et ses opinions. On disait qu'elles avaient penetre dans le
sacre college. Ses anciens disciples peuplaient les rangs eleves de
l'enseignement, de la litterature et du clerge.
D'ailleurs l'institution du Paraclet etait florissante, elle obtenait
chaque jour davantage la faveur et le respect, et il etait difficile que
le succes de l'oeuvre ne rejaillit pas un peu sur l'ouvrier. Heloise a
la verite pouvait en cela reclamer la plus grande part. Il ne parait pas
qu'a aucune epoque rien ait serieusement altere l'admiration que cette
femme inspirait a tout son siecle. Une fois religieuse, puis prieure,
puis abbesse, elle edifia et elle enorgueillit l'Eglise; elle fut la
lumiere et l'ornement de son ordre. La superiorite de son esprit et de
sa science etait si bien etablie que tous ses contemporains etaient
fiers d'elle, pour ainsi dire, et lui portaient un interet qui
ressemblait a l'engouement. Hugues Metel, rheteur epistolaire qui
ecrivait en style affecte a tout ce qui etait illustre, lui adressait,
sans la connaitre, des lettres et des vers ou il la comparait a l'astre
de Diane. Il pensait gagner de la gloire a la louer[205]. Les plus
severes avaient pour elle une indulgence qu'ils n'auraient pas meme
ose nommer ainsi, tant elle imposait naturellement le respect. Plus
dedaigneuse et plus irritee qu'Abelard lui-meme contre ses ennemis, elle
desarma ou intimida constamment leur haine. Elle ne transigeait, elle
ne faiblissait sur aucun des interets comme sur aucune des idees de son
epoux et de son maitre, et jamais on n'osa faire remonter jusqu'a elle
une dangereuse solidarite. Elle appelait saint Bernard _un faux apotre_,
et lui-meme parait n'avoir entretenu avec elle que des relations
bienveillantes[206]; elles amenerent meme entre Abelard et lui, sur un
point de liturgie d'un interet mediocre, une controverse qui ne semblait
pas presager leur violente rupture et qui cependant la commenca
peut-etre. On voit dans les lettres de Pierre, abbe de Cluni, combien il
se trouvait honore de correspondre avec Heloise[207]. Ainsi, les chefs
des institutions les plus puissantes, Clairvaux et Cluni, les rois du
cloitre, traitaient sur un pied d'egalite avec la reine des religieuses,
avec cette docte abbesse, d'une vie si chaste et si pure, et qui aurait
donne mille fois son voile, sa croix et sa couronne, pour entendre
encore chanter sous sa fenetre par
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