mment rencontree.
L'eclat de ses lecons devait accroitre encore la curiosite qui
s'attachait a ses ecrits theologiques; et suivant d'assez bonnes
autorites, ce fut le moment ou apres les avoir acheves, il leur donna
le plus de publicite, quoique plusieurs aient ete toujours tenus
secrets[211].
[Note 211: Cette propagation rapide et etendue de ses ouvrages est
attestee par Guillaume de Saint-Thierry et par saint Bernard dans les
lettres qui seront plus bas analysees. Le premier dit aussi que le "_Sic
et Non_ et le _Scito te ipsum_ fuyaient la lumiere et ne se trouvaient
pas aisement." Il est a croire que plusieurs de ces ouvrages, surtout
ceux qui avaient ete condamnes, furent longtemps lus en secret, quoique
assez repandus: "Libri ejusdem magistri diu in abscondito servati sunt
ab ejus discipulis." (Alberic. Triumf. _Chronic., Rec. des Hist_., t.
XII, p. 700.--_Histoire litteraire_, t. XII, p. 97.)]
Bientot vingt ans allaient s'etre ecoules depuis que le concile de
Soissons avait prononce, et peut-etre etait-il oublie. Du moins faut-il
qu'Abelard le crut ainsi, ou que, ranime par un retour d'empire et de
popularite, il fut redevenu confiant dans sa fortune, et moins inquiet
de l'habilete et de la force de ses ennemis, puisqu'il recommencait a
livrer au public les memes doctrines qui l'avaient fait condamner une
fois. Peut-etre comptait-il sur l'autorite de son age, sur celle de ses
amis, sur la disparition de ses anciens rivaux, sur sa reconciliation
ou plutot sur ses relations convenables avec saint Bernard. Il se
manifestait d'ailleurs en ce moment un vif mouvement intellectuel et
comme un effort general de la liberte de penser.
Abelard devait s'associer a ce mouvement qui venait en partie de lui,
et il semblait le guider. Quoique plus retenu que ses eleves ou ses
imitateurs, des qu'il paraissait, il etait aussitot le premier dans les
craintes et dans les aversions du parti de la vieille autorite. Il ne
pouvait retrouver la renommee sans reveiller la haine et encourir le
malheur.
On aime aujourd'hui a tout rapporter a des causes generales, et
l'histoire n'a plus d'evenement qui ne soit presente comme le symptome
ou le resultat de l'etat des esprits au moment ou il s'est produit.
Cette maniere de juger les choses humaines n'est jamais plus de mise que
lorsqu'il s'agit de raconter un evenement ou figurent des philosophes et
des theologiens, des penseurs et des pretres, et qui n'est qu'une lutte
critique entre d
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