ge a sa science et a sa modestie,
il le prie de lui ecrire positivement son avis sur quelques points
delicats de theologie; car il n'est pas bien assure de sa pensee,
quoiqu'il ait recemment confere avec lui; il lui demande de lui dire
nettement s'il croit avoir de Dieu une connaissance parfaite, et quand
il saura sur cet article et quelques autres a quoi s'en tenir, il lui
promet de repondre et de discuter, s'il y a lieu. Cette lettre mesuree
et encore bienveillante est un modele du ton que la controverse aurait
du toujours conserver; mais cet exemple ne fut guere imite.
[Note 222: C'est ce Gautier de Mortagne ou de Laon, designe quelquefois
sous le nom de Gautier de Mauritanie. On a de lui quelques lettres qui
sont de petits traites de theologie. Celle qui est adressee a Abelard
pourrait etre d'une date anterieure a l'epoque que nous racontons, si
la suscription _Magistro Petro monacho_ doit etre prise a la lettre.
(D'Achery, _Spicilegium_ (1723), t. III, p. 524.--_Hist. litt_., t.
XIII, p. 511.)]
Un chanoine de Saint-Leon de Toul, Hugues Metel, eleve d'Anselme de
Laon, fabricateur habile de phrases et de vers, ou plutot d'antitheses
et d'acrostiches, bel esprit orthodoxe qui semble avoir fait metier,
presque comme Balzac ou Voiture, d'adresser des lettres en style
recherche aux grands personnages de son temps, ecrivit au pape Innocent
II, et au philosophe Abelard[223].
[Note 223: C'est le meme qui avait ecrit a Heloise, on ne sait a
quelle epoque, deux lettres deja citees qui ne sont que des compliments
litteraires. (Hugo, _Sacrae antiquit. mon_., t. II, p. 312.--_Hist.
litt_., t. XII, p. 493.)]
En parlant a ce dernier, _maitre accompli dans le trivium et le
quadrivium_, Hugues Metel, qui s'intitule quelque part le _secretaire
d'Aristote_[224], lui declare que, sur la foi de la renommee, il execre
les heresies qu'on lui attribue, et qu'il abhorre leur auteur avec
elles. Si toutefois ce qu'on dit de lui est la verite, _c'est erreur et
horreur_, l'Ecriture sainte a ete profanee. Quelle presomption en effet!
Un chetif mortel vouloir s'elever a l'explication de l'incomprehensible
Trinite! Est-il donc plus insense qu'Empedocle? est-il donc enivre
de vaines nouveautes? Oublie-t-il qu'on ne connait Dieu qu'en
l'ignorant[225]? "Tout ce que je sais de lui, c'est que je ne le sais
pas. Non que je veuille," ajoute notre ecrivain, "attaquer ta sagesse
et ta gloire; ce serait vouloir obscurcir le soleil.... Tu as tant de
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