ans troubler sa sante, passer au regime ultra-restreint
d'une Trappe.
Mais, dira-t-on, avez-vous etudie le regime restreint chez les individus
qui depensent beaucoup? Oui, je l'ai etudie dans l'armee[7], et
j'affirme, au nom d'une experience de deux annees, pendant lesquelles je
me suis occupe de l'alimentation du soldat avec un colonel qui avait,
de ce grave probleme, tout le souci qu'il merite, que, si le soldat
francais, le seul que je connaisse, avait la quantite et la qualite des
aliments auxquels il a droit de par les reglements, et si ces aliments
etaient prepares comme ils devraient et comme ils pourraient l'etre dans
toutes les garnisons, sa nourriture serait tout a fait suffisante. Elle
n'est un peu au-dessous des besoins que pour les jeunes soldats, pendant
les trois premiers mois de la nouvelle existence qui leur est imposee;
aussi les officiers soucieux de la sante de leurs soldats reservent-ils
pour les nouveaux arrivants les _boni_ qu'ils ont pu realiser sur les
hommes dits "de la classe".
[Note 7: _La vie du soldat en temps de paix (Ann. d'hyg. et de
medecine legale_, fevrier 1890).]
Tout le monde, du reste, connait la sobriete des guides alpins, qui,
non seulement, les jours d'excursion, se contentent d'une alimentation
extremement reduite (quelques morceaux de sucre et des fruits secs),
mais, en temps ordinaire, mangent tres peu, pour conserver leurs forces.
Les professionnels du sport, egalement, savent que la sobriete est la
condition de leur succes.
Autre exemple: j'ai donne, pendant plusieurs annees, des soins a une
dame qui, avec toutes les apparences de la sante, etait constamment
souffrante: migraines, eczema, urticaire, affections cutanees
polymorphes, palpitations, dyspnee, insomnies, caractere inquiet,
emotivite exageree, sensation de fatigue permanente, tendance a
l'obesite,--et j'en passe, pour ne pas faire le tableau complet de ce
qu'on est convenu d'appeler la "grande neurasthenie". Chose curieuse,
elle avait peu de phenomenes digestifs, seulement de la constipation et
des hemorroides. Elle avait meme un vigoureux appetit, bien qu'elle prit
fort peu d'exercice. En vain, je m'acharnai a diminuer son alimentation:
precisement a cause de cet appetit de premier ordre, elle ne voulait
pas entendre parler de regime restreint. Mais voici que l'adversite
s'abattit sur elle, sous la forme de la ruine absolue; elle en fut
reduite a ne plus manger que des pommes de terre cuites dans le four
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