d'une mere. La victime se
trouve tiraillee a tout instant, retenue, d'un cote, par la notion plus
ou moins forte du devoir, et, d'un autre, poussee a la revolte par les
vexations, reelles ou imaginaires, qu'elle subit. Ce supplice
incessant finit par "enerver",--c'est le mot qu'on emploie
journellement,--autrement dit, finit par amener la "maladie", a un degre
variable: et l'une de ses formes les plus connues s'appelle le delire de
la persecution, quand le trouble mental domine la scene morbide. Mais,
si l'on etudie de pres un "persecute", on verra bien vite qu'il n'est
pas malade que de la tete; il digere mal, il est constipe, il maigrit,
il a souvent des battements de coeur, de la dyspnee, la peau seche,
etc., etc.; toutes ses fonctions sont en delire. Tout est fou chez
l'aliene, parce que l'aliene n'est pas autre chose qu'un "grand malade".
D'autres fois, c'est une passion vive, intense, qui compromet
l'equilibre de la sante. La passion amoureuse merite, a ce titre, d'etre
signalee au premier rang; nous en avons dit un mot deja, a propos de la
jeune fille: mais ici nous l'etudions dans sa forme ardente, fougueuse,
la forme qu'elle revet chez l'etre adulte. Alors elle met le systeme
nerveux dans un etat d'erethisme, d'hyperesthesie, qui peut se traduire
par la production de chefs-d'oeuvre, comme le second acte de _Tristan
et Yseult_, ou comme la _Nuit d'Octobre_, mais qui amene souvent, chez
celui qui en est victime, une perturbation generale de la sante, quand
un obstacle d'ordre moral ou materiel empeche cette passion de se
satisfaire. La victime perd alors le sommeil, s'agite dans le vide,
est dans un etat d'inquietude mentale qui compromet les fonctions
digestives; l'estomac entre en scene, le cercle vicieux s'etablit; la
"maladie" est constituee. Elle durera tant que durera sa cause, ou
qu'une savante hygiene morale n'aura pas porte le remede efficace. Bien
souvent, d'ailleurs, le temps seul est le remede; et il faut savoir
attendre, sans imposer au malade une medication perturbatrice, qui
aggraverait son etat.
Lorsque la victime est obligee de garder pour elle son secret, sans
pouvoir le communiquer a un confident, sa situation est encore plus
lamentable. Souffrir en silence, c'est deux fois souffrir; de la
l'importance que prend le medecin, lorsqu'il parvient a inspirer
confiance a son malade et a provoquer chez lui des confidences, qui le
soulagent plus que ne le feraient l'hydrotherapie ou l'electricite.
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