laisser ce soin au pretre, ou au
pasteur, ou au rabbin, a des manieurs d'ames plus habitues que lui a ces
delicats problemes; mais il est des circonstances ou il ne peut pas se
derober, et il nous faut en dire quelques mots.
Il est certain, en tout cas, que le medecin ne doit jamais aborder, le
premier, ces questions d'ordre philosophique et religieux; ce n'est
pas son role, et un zele immodere, de sa part, pour la defense d'une
doctrine philosophique quelconque, pourrait etre, et serait a juste
titre, severement jugee. Mais, d'autre part, il doit s'attendre a ce
que, pousse par un besoin presque inconscient, le malade l'oblige a
entrer avec lui dans ce domaine.
Cela arrive bien plus souvent qu'on ne se le figure: le malade qui,
pendant ses douloureux loisirs, a eu tout le temps d'apprecier l'inanite
de toutes les ressources morales qu'on lui offre, et la banalite des
consolations habituelles, qu'il n'accepte d'ailleurs qu'a son corps
defendant, se sent, a un moment donne, preoccupe d'une facon insolite
par les grands problemes de l'au-dela, de la destinee humaine. Sans
compter qu'il est envahi d'une crainte angoissante. Combien de fois
n'ai-je pas entendu des malades me dire: "J'ai peur!" Peur de quoi? Ils
n'en savent rien; ce n'est pas, en general, d'avoir a quitter cette
lamentable existence, qui ne leur offre rien de bon;--encore que
parfois, sans qu'ils s'en doutent, la voix sourde de l'instinct de
conservation parle la en eux: mais, quoi qu'il en soit, ils ressentent
une peur vague, animale; et, dans cette detresse morale, ils
s'accrochent desesperement a tout ce qui peut leur donner du reconfort.
Ces deux motifs expliquent le besoin qu'eprouve souvent le malade
d'aborder des problemes qui, en etat de sante, lui etaient completement
indifferents. Or, avec qui les abordera-t-il? Est-ce avec la bonne
religieuse, qui repondra a toutes les questions par de petites
devotionnettes ou des pratiques tout a fait en dehors des habitudes du
malade, des pratiques qui n'ont de raison d'etre que pour les fervents,
et qui risquent de revolter l'esprit de ceux qui n'en comprennent pas le
sens cache? Est-ce avec le visiteur plus ou moins presse qui, entrant
en coup de vent prendre des nouvelles du malade, et ne pensant qu'a
ses affaires pendant qu'il lui detaille ses miseres, se borne a lui
repondre: "Patience! si vous souffrez ainsi, c'est qu'il pleut, ou qu'il
fait chaud, etc."? Trop heureux encore le malade, quand ces vis
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