etre resolu, chez les
gens bien portants; notre etat social n'etant pas aussi detestable
que se plaisent a le dire quelques pessimistes, ou encore quelques
jouisseurs, qui semblent n'avoir pour but que de semer la haine par
leurs discours et par leurs ecrits. En France, personne ne meurt de
faim, et bien peu de gens sont menaces d'insuffisance alimentaire, etant
donne le peu qu'il faut pour vivre et se bien porter.
La ou le probleme de l'insuffisance alimentaire devient, pour le
medecin, d'une douloureuse perplexite, c'est quand il s'agit de malades
ne pouvant ou ne voulant pas manger, ne pouvant en apparence rien
digerer, vomissant tout ce qu'ils prennent, arrives au dernier degre de
la consomption, n'urinant presque plus, restant des semaines entieres
sans aller a la garde-robe, ne dormant plus, ne pouvant plus ni lire, ni
supporter une conversation, ni penser. Tous les medecins ont vu de ces
grands malades sans lesions organiques, auxquels il est tres difficile
de faire du bien, et auxquels on fait trop facilement du mal par une
intervention intempestive. Est-il admissible que la vie persiste dans
ces conditions deplorables, et faut-il, oui ou non, forcer ces malades a
manger?
Il est certain que, parfois, en brusquant la resistance du systeme
nerveux, en domptant sa revolte, on arrive a des resultats remarquables.
Chez de grands nevropathes, on est tout etonne de voir qu'une seule
application de la sonde oesophagienne suffit pour faire renaitre
l'appetit, et rendre a l'estomac la tolerance qu'il avait perdue depuis
longtemps. Le plus bel exemple dont j'aie souvenance, a cet egard, est
celui d'une jeune femme mariee a un capitaine au long cours. Des le
lendemain du mariage, il l'emmenait en voyage de noces a San Francisco,
en passant par le detroit de Magellan, sur un navire a voiles. Pendant
ce voyage, qui dura six mois, la jeune femme commenca a eprouver divers
symptomes morbides. Elle en arriva a etre gravement atteinte, et on dut
la faire revenir, par les voies les plus rapides, de San Francisco
a Paris, ou elle desirait se confier a mes soins. A son arrivee, je
trouvai une veritable loque humaine, ayant toutes les apparences d'une
tuberculeuse avancee; l'auscultation ne revelait cependant rien. Pendant
les trois premieres semaines de son sejour a Paris, elle avait une
inappetence absolue, ne tolerait aucun aliment, pas meme le lait coupe,
et etait devoree par une fievre qui atteignait, le soir, 44 deg.. La
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