omprendre. Je voulus savoir si elles avaient quelque chose a
manger; elles me comprirent parfaitement, car aussitot elles me
servirent des concombres, des oignons et un gros morceau de poisson
sale avec un peu de biere, mais pas de pain. Un instant apres, la plus
jeune m'apporta une bouteille qu'elle appela _Kosalki_; en le goutant,
je le reconnus pour du genievre de Dantzig, et, en moins d'une
demi-heure, nous eumes vide la bouteille, car je m'apercus que mes
deux Moscovites buvaient mieux que moi. Je restai encore quelque temps
avec les deux soeurs, car elles m'avaient fait comprendre qu'elles
l'etaient; alors je retournai dans ma chambre.
En entrant, je trouvai un sous-officier de la compagnie qui etait venu
pour me voir, et qui depuis longtemps m'attendait. Il me demanda d'ou
je venais; lorsque je lui eus conte mon histoire, il ne fut plus
surpris de mon absence, mais il parut enchante, a cause, me dit-il,
que l'on ne trouvait personne pour blanchir le linge; puisque le
hasard nous procurait deux dames moscovites, certainement elles se
trouveraient tres honorees de blanchir et de raccommoder celui des
militaires francais. A dix heures, lorsque tout le monde fut couche,
comme nous ne voulions pas que personne sache que nous avions des
femmes, le sous-officier revint, avec le sergent-major, chercher nos
deux belles. Elles, firent d'abord quelques difficultes, ne sachant ou
on les conduisait; mais, ayant fait comprendre qu'elles desiraient que
je les accompagnasse, j'allai jusqu'au logement, ou elles nous
suivirent de bonne grace, en riant. Un cabinet se trouvant disponible,
nous les y installames, apres l'avoir meuble convenablement avec ce
que nous trouvames dans leur chambre; bien mieux, avec tout ce que
nous trouvames de beau et d'elegant que les dames nobles moscovites
n'avaient pu emporter, de maniere que, de grosses servantes qu'elles
paraissaient etre, elles furent de suite transformees en baronnes,
mais blanchissant et raccommodant notre linge.
Le lendemain au matin, 21, j'entendis une forte detonation d'armes a
feu; j'appris que l'on venait encore de fusiller plusieurs forcats et
hommes de la police, que l'on avait pris mettant le feu a l'hospice
des Enfants-Trouves et a l'hopital ou etaient nos blesses; un instant
apres, le sergent-major accourut me dire que j'etais libre.
En rentrant dans notre logement, j'apercus nos tailleurs, les deux
hommes que j'avais sauves, deja en train de travailler; ils faisa
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